Olivier Paquet déploie, avec talent et finesse, un récit prenant pour les lecteurs ouverts et à l’écoute.

Composite - EmOtionS
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Une vision d’un futur proche n’a pas besoin d’être totalement apocalyptique pour capter l’attention d’un lecteur. Olivier Paquet a fait le choix d’une approche en tension, mais tout en subtilité, pour parler de demain.

Dans cette vision, une vingtaine années en avant, l’intelligence artificielle aura pris une place essentielle dans la vie quotidienne, que ce soit à titre personnel, au niveau professionnel ou encore dans le cadre des investigations policières. Un outil qui change clairement la manière d’interagir, sans pour autant tout dénaturer. Les algorithmes rythment le quotidien.

Curseurs poussés un peu plus loin

Dans ce roman assez court mais particulièrement dense, l’auteur trouve avec finesse de très intéressantes applications de l’IA, comme cette utilisation pour gommer les erreurs du passé et aider à reconstruire certains endroits à l’identique de « l’ancien » temps, plus proches de la nature, en utilisant les photos et vidéos de tout un chacun. Brillante idée !

Ou encore de traquer les pédophiles sur le net en faisant passer des IA pour des enfants.

Ce monde d’après, très proche, ressemble beaucoup au nôtre, les curseurs ont simplement été poussés un peu plus loin. A l’image de ces Foulards blancs, comme une extension du mouvement qu’on connaît aujourd’hui, remontés à mort contre un gouvernement écologiste.

L’ombre des IA

La société est de plus en plus fracturée. L’emballement incontrôlable, qui peut être attisé par quelques mots, est démultiplié par la puissance des réseaux sociaux qui servent à briser le lien davantage qu’à le maintenir. Le délitement de la société devient jour après jour plus prégnant, rendant le dialogue presque impossible.

C’est dans ce contexte explosif que l’écrivain raconte une enquête atypique. Puisque derrière cette situation semble s’étendre l’ombre d’une intelligence artificielle.

Sous couvert d’un techno-thriller qui n’en est pas vraiment un, l’histoire raconte les recherches de deux personnes que rien ne devait se faire rencontrer. Le récit tourne très vite à une quête intérieure et à une approche politique, remplie de réflexions. Un faux rythme, parfois un brin déséquilibré à mon goût, qui donne une vraie profondeur au récit.

Perte de souvenirs

Le sujet de fond, la perte de souvenirs, touche à l’intime. C’est évidemment ce point fort qui ressort, à étudier comment un souvenir façonne qui nous sommes, détermine notre manière d’être. De réminiscences en stigmates, que se passe-t-il lorsqu’on « perd » un souvenir fort qui a orienté la suite de notre existence en bien ou en mal ?

L’analyse de l’auteur est enrichissante, rendant cette fiction puissante de questionnements (et de propositions de réponses). Une richesse dans ce monde où l’humain se met à réfléchir de façon binaire, bien davantage que l’outil informatique lui-même.

Des points d’alerte sont amenés, comme la question de l’accès aux souvenirs numériques d’autrui (leur manipulation ?), sans juger à outrance, en amenant au contraire à penser en commun. La technologie est un outil et non une fin en soi, à nous de découvrir la meilleure manière de l’utiliser.

Composite est un roman d’anticipation qui ne se veut pas artificiellement alarmiste, mais pousse la réflexion sur ce qui est déjà en route aujourd’hui. Olivier Paquet déploie, avec talent et finesse, un récit prenant pour les lecteurs ouverts et à l’écoute.

Yvan Fauth

Publié le 1 décembre 2022

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