Les lions d’Al-Rassan de Guy Gavriel Kay est de ceux-là, une comète littéraire qui traverse le ciel intérieur du lecteur, en alliant le souffle épique et la profondeur humaine dans une fresque somptueuse.

Les Lions d'Al Rassan - Comment rétrécir les dragons
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Certains livres nous touchent comme des météores, laissant dans leur sillage une traînée de lumière qui persiste longtemps après la dernière page tournée. Les lions d’Al-Rassan de Guy Gavriel Kay est de ceux-là, une comète littéraire qui traverse le ciel intérieur du lecteur, en alliant le souffle épique et la profondeur humaine dans une fresque somptueuse.

Ce roman est une uchronie d’une ambition rare, une relecture métaphorique de l’histoire de la péninsule ibérique transposée sur une planète aux deux lunes. Guy Gavriel Kay y raconte les tensions et les alliances précaires entre trois peuples, reflétant subtilement les confrontations historiques. On y trouve les Jaddites, fervents adorateurs du soleil, les wadjis, dévots et souvent fanatiques qui vénèrent les étoiles, et, pris entre les deux, les kindath, nomades intelligents et désespérés qui honorent les lunes. Ces trois croyances, entre connivences et affrontements, rappellent les relations subtiles, complexes et souvent tendues entre religions au cœur de la Reconquista, mais l'auteur réussit le tour de force de les évoquer sans jamais sombrer dans le manichéisme.

Ce qui frappe avant tout, ce sont les personnages. Chacun est ciselé avec une finesse extraordinaire, une humanité poignante qui va bien au-delà du simple archétype héroïque. Ils incarnent des dilemmes éthiques profonds, partagés entre leurs convictions et leurs aspirations, portés par des élans héroïques et épiques qui rappellent la noblesse tragique du Cid. Kay nous entraîne dans un récit qui oscille sans cesse entre la grandeur et la mélancolie, un univers où le courage côtoie le doute, où la beauté naît souvent du sacrifice.

Mais que dire du style de Guy Gavriel Kay ? C’est là une prose qui n’a pas son égal dans le genre, une écriture d’une poésie flamboyante qui nous happe et nous transporte, dans sa merveilleuse description de l’Andalousie des khalifes. Chaque phrase semble avoir été sculptée, polie jusqu’à l’éclat parfait. Il arrive qu’on relise certaines pages deux, voire trois fois, simplement pour savourer l’intensité du style. Rarement un auteur a su marier la puissance de la fantasy à une telle profondeur stylistique et poétique.

Un immense merci aux Blablas de Tachan, le salon littéraire qui m’a offert cette superbe découverte. Car lorsqu’une œuvre de fantasy s’allie aussi harmonieusement à l’histoire et à la poésie, le grand mot de chef d’oeuvre n’est pas très loin.

Publié le 21 novembre 2024

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