C’est une manière d’écrire que je n’ai jamais rencontré ailleurs et que j’adore, qui donne un côté poignant aux événements, les creuses et fait bien ressentir leur importance, l’impact qu’ils ont sur les personnages.

Kay - Les lions d'Al-Rassan - Book is not the enemy
Article Original
Il est certains livres dont il est illusoire d’essayer de faire un commentaire objectifs. Pour moi, les lions d’Al-Rassan est de ceux-là, un des rares sur lesquels j’ai du mal à prendre du recul pour en distinguer les défauts et les faiblesses (mais elles sont en toute subjectivité très rares). ^^
C’est dû en partie à l’auteur : Guy Gavriel Kay est après tout mon écrivain préféré, et même ses ouvrages de jeunesse sont à mon sens supérieurs à bien d’autres livres. Et çela peut paraître ridicule à dire, mais ce manque affligeant d’objectivité est aussi dû au livre lui-même, à son contenu, à son écriture et à son style narratif. Aux personnages qui l’habitent, à la tristesse et aux larmes que certains paragraphes font immanquablement naître en moi.
Bref, vous être prévenu, je suis totalement partiale en ce qui concerne ce livre.
Les Lions est ce que l’on appelle un roman de fantasy-historique, terme qui a été me semble-t-il tout spécialement inventé pour qualifier les œuvres de GGK. Ses romans ont en commun de se situer dans un monde imaginaire s’inspirant très fortement de périodes historiques très définies, aux enjeux clairement identifiés. La magie et le surnaturel sont très peu présents, voire absents, contrairement à la fantasy classique. Lamosaïquede Sarrance se joue par exemple dans une Byzance qui pourrait être celle de l’Empereur Justinien.
En ce qui concerne Les Lions d’Al-Rassan, le livre se situe en Espagne, plus précisément de la fin de la période du califat de Cordoue, et s’inspire notamment de la vie de Rodrigo Diaz de Bivar dit le Cid.
De cette période historique sont tirés les motifs, les thèmes qui parcourent le livre : la fin d’un monde et d’un temps, d’une beauté aimée. La rencontre entre trois religions que tout oppose, par le biais de personnages que leur humanité rapproche.
Les lions parle de choix que l’on doit prendre, et des désirs qui guident les personnages, désirs entre ce qu’ils voudraient, entre leurs appartenances, les impératifs qui font partie du plus profond de leur être. Car même le soleil se couche, et la fin de l’Al-Rassan aux cités chatoyantes ne peut que venir sur fond de guerre de religion.
Les Lions d’Al-Rassan est  porté par trois personnages principaux magnifiques, et quelques très beaux personnages secondaires, notamment Husari le marchand, et Alvar, un jeune soldat Jaddite narrateur récurent, qui suit tous les éléments de près et dont l’évolution au cours du livre est impressionnante.
Mais revenons aux personnages principaux, le triumvirat autour duquel s’articule le livre et qui est évoqué dans le résumé :
Rodrigo Belmonte, le Capitaine Jaddite, Fléau d’Al-Rassan que ses hommes suivraient jusqu’en Enfer aller et retour sans sourciller est un homme intelligent et rigoureux, férocement intègre et fidèle à son code de l’honneur (ainsi qu’a sa femme qui est un personnage féminin des plus exceptionnel et des plus terrifiants).
Il y a Jehane, fille d’un médecin Kiddath renommé et médecin elle-même, courageuse et déterminée, dont le peuple ne peut sortir indemne de la guerre, quelque soit le vainqueur.
Et enfin il y a Ammar Ibn Khairan l’Asharite, soldat et poète, aussi brillant orateur que bretteur et stratège, qui en assassinant le dernier Khalife quinze ans plus tôt a mis un terme au règne des Lions sur l’Al-Rassan.
Ce sont trois des personnages les plus profondément humains qui m’ont été donné de lire, exceptionnels chacun à leur façon, et les liens qui se tissent entre eux au cours du livre sont forts et subtils, pleins de non dit.
A vrai dire ils forment un peu mon OT3 ultime-de-tous-les-temps, mais c’est un autre sujet.
Que dire d’autre ? GGK à un style narratif très particulier et assez caractéristique, avec cette espèce de prise de distance et de relativisation des événements, et en même temps une énorme empathie pour les personnages. C’est une manière d’écrire que je n’ai jamais rencontré ailleurs et que j’adore, qui donne un côté poignant aux évènements, les creuses et fait bien ressentir leur importance, l’impact qu’ils ont sur les personnages. Il a également un talent assez illégal pour mener le lecteur par le bout du nez et lui faire croire certaines choses, grâce a un système narratif un peu en décalage très efficace.
Pour conclure, je ne prétendrais pas que tout le monde tombera follement amoureux de ce livre en le lisant comme je l’ai fait, mais Les lions reste une très bonne lecture, et un roman tout a fait captivant. Un must selon moi (mais souvenez vous, je suis désespérément partiale ;) )
Autres avis :
– mon propre frère –ce traître- a un peu été rebuté par l’aspect de réutilisation d’une époque spécifique sans magie pour faire la différence, et Les lions n’est donc pas son livre favori de kay,

 – Arakasi, une de mes amies avec lesquelles j’ai souvent de longues discutions littéraire éclectiques et dont les avis sur le sujet ne m’ont jamais déçus  –et qui m’a d’ailleurs introduite à GGK justement via les Lions- est une fan absolue de Rodrigo Belmonte, entre autre, et considère les Lions comme son livre préféré.

En espérant vous avoir donné envie de le lire. :)

Jainas

Book is not the enemy

Publié le 14 novembre 2016

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