Cette démarche originale et la qualité de l'oeuvre qui en résulte suffit à classer Kay comme un auteur à part, et Les lions d'Al-Rassan est un exemple parfait de la réussite de son projet : le récit y atteint l'universalité souhaitée par l'auteur.

Kay - Les Lions d'Al-Rassan - Icarus
 Dans ce gros et beau roman, à l'histoire riche et solide, G. G. Kay met en scène un flot d'aventures « historiques » sans temps morts et, comme à son habitude, des personnages forts et complexes. Il y peint en particulier un portrait de femme médecin tout-à-fait remarquable.
     Si l'on se laisse entraîner sans difficulté par le souffle de cette vaste épopée, que le talent de conteur et la puissance d'évocation de Kay rendent passionnante, on remarque l'absence quasi-totale des éléments habituels de la fantasy, à savoir magie et créatures fantastiques.
     Et c'est peut-être là l'aspect le plus inhabituel, le plus surprenant et le plus intéressant de cette oeuvre... En effet, en situant l'action dans un monde imaginaire, très inspiré cependant par l'Espagne médiévale à l'époque de la reconquête, l'auteur oblige le lecteur à s'interroger : pourquoi ne pas avoir écrit un véritable roman historique et pourquoi choisir la fantasy sans utiliser la liberté d'introduire des éléments fantastiques ?
     Les réponses ne sont pas évidentes, mais il est rapidement évident que le roman permet de réfléchir sur l'Histoire tout autant qu'un livre soi-disant ancré dans la réalité, ce qui amène à relativiser l'importance que l'on accorde à l'exactitude de certains faits historiques, car l'imagination permet d'apporter des éléments qui peuvent être plus riches de sens.
     Kay s'explique d'ailleurs lui-même dans un entretien accordé en 1998 à la revue Parallèles (n°8) : Je crois que la fantasy offre de magnifiques « outils » pour réécrire de l'Histoire. La fantasy rend un récit « universel » en l'arrachant de sa gangue spatio-temporel, ce qui permet au lecteur de replacer les éléments dans un cadre plus vaste.
     Cette démarche originale et la qualité de l'oeuvre qui en résulte suffit à classer Kay comme un auteur à part, et Les lions d'Al-Rassan est un exemple parfait de la réussite de son projet : le récit y atteint l'universalité souhaitée par l'auteur.
 
Pascal Patoz, 1999. 

 

Publié le 13 octobre 2017

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