Les Chroniques de l'Imaginaire
Armande est une femme respectable. Elle a beaucoup souffert pour s’élever dans la société : beau mariage avec un époux qui lui laissait les rênes du ménage et des affaires, belle réussite financière grâce à une entreprise pharmaceutique florissante, belle demeure dans un parc quasi infranchissable de l'extérieur. Et une famille à protéger. D’eux-mêmes, de leurs pulsions inconséquentes.
 
Qu’est-il passé par la tête de sa fille quand elle s’est faite engrosser par le premier mâle primaire venu ? Seule solution en ce début de XXème siècle pour préserver les dons innés (la rumeur dit dans leur dos que les femmes de cette lignée sont sorcières) et les biens acquis, se débarrasser de l’enfant ; placement, infanticide ?
Représentant de l’ordre sans histoire quelques dizaines d'années plus tard, Simon Larcher ne se mêle pas de la vie des autres. Bien faire son travail et prendre soin de son neveu et de sa sœur sont des emplois à plein-temps qui remplissent déjà les journées. Alors pourquoi se préoccuperait-il de la famille Gaucher et des secrets qui entourent leur demeure seigneuriale ? Jusqu'au jour où Simon rencontre l’inaccessible Diane Gaucher. Instantanément son esprit s'enflamme et l'attirance physique irrépressible qu'il ressent pour cette inconnue si distante le fait basculer tout éveillé dans un imaginaire de fictions déshabillées. Ses affaires se corsent davantage quand le corps inanimé du jeune garçon de la DDASS qu’il recherchait est retrouvé dans le parc du fameux manoir. La conciliation entre enquête et appétence charnelle ne se fera pas sans heurts...
Infirmière en soins intensifs, Zette passe la plupart de ses nuits au chevet de patients dans le coma. Elle dort à leurs côtés et, dans ses rêves, elle les suit dans le monde qu’ils se sont créés. Univers féérique ou cauchemardesque, elle les emmène ensuite pas à pas vers le choix crucial : revenir parmi les vivants ou continuer leur chemin. C’est au détour d’un de ces mondes oniriques, alors qu'elle se promenait dans la tête d'un jeune garçon, qu’elle rencontre un esprit malfaisant qui lui donnera du fil à retordre jusque dans la réalité.
 
Des destins qui se croisent, solitude, secrets, sorcières de jadis, cauchemars et intrigue policière, tels sont les ingrédients qui font de ce roman un excellent ouvrage en littérature de l'imaginaire francophone. La langue de Anne Fakhouri toute en finesse et retenue délivre au compte-mots les divers pans imbriqués de sa trame narrative, et tisse sous nos yeux une toile de rêves complexe mais filée sans accrocs de la première à la dernière ligne. Parfois il nous semble qu'elle nous a semés, quelque part, au détour du cauchemar d'un petit garçon ou devant la maison d'une énigmatique solitaire, mais à chaque fois elle comble les ornières du sentier pavé de briques jaunes et nous mène telle la Dorothy du conte directement au pays du Magicien d'Oz, où nous comprenons enfin quelle est la part du songe dans son univers de réalités.
 
Pantalaimon
Publié le 26 septembre 2011

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