Ça fait vraiment du bien de rire autant pendant une lecture, qui en plus de ça reste très intelligente et propose divers niveaux de lecture ainsi que des références nombreuses et variées. Et en plus de ça, Jean-Claude Dunyach m'a confié qu'il avait fait pire pour la suite (en espérant qu'aucune créature magique n'ait souffert pendant l'écriture de ce deuxième opus). J'ai hâte de le lire !

L'instinct du troll - Un océan de pages
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J'ai plutôt tendance à lire des livres assez sérieux, de la SF d'anticipation ou des dystopies, mais régulièrement ça me fait du bien de lire quelque chose de plus « léger », humoristique, un peu dans la veine des Annales du Disque Monde de Terry Pratchett, qui se sert de l'humour pour critiquer note société. Et L'instinct du troll rentre parfaitement dans cette catégorie.

Le résumé de la quatrième de couverture donne le ton d'emblée : ce n'est qu'une succession de citations extraites du roman, mises en musique par Ayerdhal, qui reprennent des clichés d'heroic fantasy plus qu'éculés, détournent de la philosophie populaire ou des citations classiques, tout en laissant supposer que le cadre de l'histoire ne va pas être celui d'un roman de fantasy habituel (les vestiaires et les notes de frais ne font pas d'ordinaire partie du paysage de la Terre du Milieu !). Personnellement, j'aime beaucoup les œuvres parodiques, notamment quand elles s'attaquent à des genres que j'apprécie (même si j'ai énormément de critiques à faire au Seigneur des Anneaux et à l'heroic fantasy en général), et cette mise en bouche ne pouvais que me plaire. En plus de ça, le troll n'est pas généralement un personnage de premier dans ce genre littéraire, il n'a même d'ailleurs pratiquement jamais la parole (alors que même lors orcs y ont droit) ; je suis donc contente de pouvoir aborder le monde de la fantasy sous un autre angle et de lire la parole d'une race trop souvent méprisée et calomniée sans qu'on la connaisse vraiment ! (et je m'emballe un peu...)

Notre bon troll (dont on ignore le nom) bosse donc dans une mine, en mode superviseur d'une équipe de nains qui creuse des galeries à la recherche de divers minerais et gemmes (de toute façon, les nains ne servent pas à grand chose d'autre), quand il ne part pas au loin pour régler des problèmes divers ou accomplir une quête quelconque. Sauf que rien n'est jamais aussi simple dans un monde dans lequel les humains sont présents, et là encore ils viennent foutre leur merde : l'administration ! Bah évidemment, vous ne pensez tout de même pas qu'une mine ça se gère d'un simple coup de baguette magique ; il faut respecter les procédures, remplir les formulaires, suivre les prévisions d'activité... Et pareil pour les quêtes, il faut avoir un ordre de mission, et surtout rapporter toutes ses notes de frais pour que la compta soit à jour. Vous vous en doutez, monsieur troll n'apprécie pas énormément cette administration imbécile (sauf quand la prise de décision est si lente que la quête n'a plus lieu d'être), mais il fait avec, et fait surtout de son mieux pour l'emmerder, à sa façon, en ralentissant le rythme, en faussant les bilans, etc. Une coopération plus que rétive, en somme. Et il a de très bonnes raisons d'agir ainsi : le mode de fonctionnement des humains (et aussi des nains, il faut bien l'avouer, mais ce n'est pas de leur faute, on n'a encore rien trouvé pour les empêcher de creuser...) ne respecte pas la roche, nie son existence-même, sa réalité, la considère uniquement comme un profit potentiel ; à l'inverse, notre ami la sent vibrer, parler, il est en communion avec elle puisqu'il est fait de la même matière.

Bien sûr, la dénonciation du capitalisme et de son corolaire le management en entreprise est ici évidente, et je suis vraiment ravie qu'on mette un peu l'économie et l'industrie au centre d'une histoire de fantasy, car c'est la plupart du temps un des gros points faibles des mondes de ce genre littéraire (et tant pis pour ceux qui viendront se plaindre qu'on est dans des mondes imaginaires, ça n'empêche pas le réalisme, et ça me fait toujours grincer des dents). Mais c'est aussi un prétexte pour une histoire très sympa qui se déroule en actes : premièrement, le troll doit aller chercher les notes de frais de sa dernière quête qu'il a oubliées, et il se retrouve avec un stagiaire humain dans les pattes, deuxièmement, il accompagne son stagiaire (Cédric) et un ami de ce dernier (Sheldon) dans un camp militaire pour une mise à niveau du matériel (avec des scènes incompréhensibles formidables), troisièmement, il s'arrange pour que Sheldon se fasse accepter par le père de sa bien aimée (Brisène, fille du chef militaire du camp évoqué ci-dessus), avec une explication du mythe d'Excalibur digne de Kaamelott, et dernièrement, le mariage de Sheldon et Brisène, ainsi que la réconciliation du troll et de sa trollesse. Et en plus de ça, tout au long de ces différents actes, notre troll doit gérer les nains de son équipe, ce qui n'est pas de tout repos, avec un conflit de génération entre les nains à l'ancienne et ceux qui sont convertis à la doctrine des humains.

Ça fait vraiment du bien de rire autant pendant une lecture, qui en plus de ça reste très intelligente et propose divers niveaux de lecture ainsi que des références nombreuses et variées. Et en plus de ça, Jean-Claude Dunyach m'a confié qu'il avait fait pire pour la suite (en espérant qu'aucune créature magique n'ait souffert pendant l'écriture de ce deuxième opus). J'ai hâte de le lire !

Un océan de pages

Publié le 16 février 2017

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