Le Livre de Koli est une très bonne lecture, addictive et intelligente, qui s’est interrompue trop vite à mon goût.

Le livre de Koli - Le nocher des livres
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Koli est un jeune garçon que nous allons suivre, au cours de trois livres dont seul est paru le premier en français (le reste de la trilogie existe déjà en V.O., ce qui peut rassurer le lecteur échaudé par des séries interrompues et jamais terminées) : il s’agit du Livre de Koli, publié par L’Atalante. Si ce roman a tout du banal récit d’apprentissage post-apocalyptique à première vue, il n’en est rien en réalité. L’auteur britannique M.R. Carey réussit à nous plonger dans un avenir dur avec une grande finesse. Et pour rien au monde je n’aurais voulu lâcher le livre avant la dernière page.

Un monde post-apocalyptique

Autant le dire tout de suite pour ceux qui ne connaissent pas mes goûts, le post-apocalyptique n’est pas ma tasse de thé. Donc j’ai pas mal hésité avant de m’attaquer à ce roman dont j’avais entendu du bien de blog en blog. Mais une fois le premier pas franchi, je n’ai pas regretté du tout et ai dévoré le livre.

L’univers créé par M.R. Carey est effrayant à souhait. Malgré son manque de réalisme. Car il a beau situer son action dans un lointain futur, qui s’appuie nommément sur notre monde actuel, il ajoute une touche que je ne peux trouver réaliste : les arbres devenus vivants. Koli vit avec son village (environ deux cents habitants) perdu au milieu d’une forêt inquiétante contre qui il faut se battre au quotidien. Car la végétation et la faune sont hostiles au possible. Et dangereuses. Car les plantes ont développé des armes mortelles, les animaux ont vu leur taille croître suffisamment pour leur permettre d’ajouter l’être humain à leur tableau de chasse. La vie tient davantage de la survie. L’extérieur est synonyme de terreur absolue. D’autant qu’y rôdent des humains retournés à l’état sauvage, qui attrapent les imprudents afin de les intégrer à leur garde-manger. Alors quelques règles permettent d’avoir une petite chance, mais cela reste néanmoins extrêmement angoissant.

Pour ce qui est de l’ancrage dans le réalisme dont je parlais au début, on le découvre peu à peu dans le cours du récit et je préfère ne pas m’appesantir dessus afin de vous laisser la joie de la découverte progressive. Mais je peux juste préciser que j’ai apprécié de découvrir des traces de notre présent dans cette nature rendue folle, que cela m’a convaincu et que j’ai hâte de lire le prochain tome, ne serait-ce que pour en savoir plus sur ce qu’a imaginé l’auteur à propos de notre possible avenir.

Une langue personnalisée

Un autre point qui m’a bloqué au début de la lecture de ce roman, c’est le parti pris de l’auteur à propos de la langue. En fait, nous sommes censés avoir entre nos mains le journal écrit par Koli. Or, vous vous en doutez, dans un tel monde, l’éducation ne peut être que très limitée. Donc, Koli manie assez mal la langue. Et cela se voit dans sa façon d’écrire. Pas de fautes d’orthographe en pagaille, ce qui aurait été irritant et artificiel. Non, plutôt des fautes de temps ou de modes des verbes, des négations en partie oubliées. Le langage oral porté à son paroxysme, en fait. Et cela m’a un peu fait tiquer au début, mais j’en ai vite pris mon parti et cela m’a permis de me tourner tout entier vers Koli.

Un personnage principal très réussi

Et je dois dire que M.R. Carey s’en est très bien sorti avec ce personnage central. Car Koli est éminemment sympathique. Malgré des erreurs cruelles et des pensées stupides. Mais sa sincérité et sa tentative perpétuelle de comprendre l’origine de ses bêtises, comme de celles des autres, en font un être attachant. On ne peut que partager son incompréhension devant certains comportements. Mais on est aussitôt convaincu par sa recherche de ce qui les a entraînés. Même quand il est mis en danger par certains, il ne reste pas buté et cherche à appréhender les raisons de ces actes. Et il en trouve parfois, ce qui le rend humain. Et le différencie de pas mal de ses congénères ancrés dans leurs certitudes, au point de tuer ou de mourir sans vraiment comprendre le pourquoi.

En plus, Koli, même s’il se montre parfois enfantin (ce qui peut se comprendre puisque, au début du roman, il est encore dans l’enfance et devient officiellement adulte en cours de récit), se montre avant tout ouvert à ce qui l’entoure : il observe avant d’agir. Il se reproche même souvent de ne pas se décider assez tôt. Ce sera une des raisons du bouleversement principal de son existence (du moins, dans ce premier volume). Mais cette qualité le rend agréable à suivre, car il évite certaines facilités d’action de personnages trop caricaturaux et brutaux, qui résolvent rapidement leurs problèmes à coups d’armes ou de certitudes. Koli semble plus nuancé et cela m’a conquis.

Au cas où vous ayez directement sauté à la conclusion sans lire le reste de ma chronique (vous en avez parfaitement le droit), je résume rapidement mon point de vue : Le Livre de Koli est une très bonne lecture, addictive et intelligente, qui s’est interrompue trop vite à mon goût. Heureusement la suite est prévue chez l’Atalante en mars 2022, et c’est tant mieux !

Le nocher des livres

Publié le 12 novembre 2021

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