Les formidables dragons de Marie Brennan fascinent tout en suscitant la réflexion sur les vicissitudes de notre époque.

Brennan - Une histoire naturelle des dragons - Le soir

Ce n’est pas notre monde, mais…

Les formidables dragons de Marie Brennan fascinent tout en suscitant la réflexion sur les vicissitudes de notre époque.

Entretien
« Ce n’est ni notre monde ni notre histoire mais je m’y réfère. » D.R.

Marie Brennan était une des vedettes des Imaginales d’Épinal, il y a quelques jours. Cette écrivaine américaine de fantasy y a d’ailleurs reçu le Prix des Imaginales pour Une histoire naturelle des dragons. Un roman riche, sophistiqué, stylé et drôle à la fois. Cela se passe dans un monde inventé, proche cependant de l’ère victorienne, de ses usages et ses explorateurs  (et exploratrices) scientifiques, géographiquement basé dans un Scirling qui ressemble à l’Angleterre et une Vystranie qui tient de la Roumanie. Une expédition part de Scirling en Vystranie pour y étudier les dragons. Lord Hilford la dirige. Il emmène lord Trent et sa jeune femme lady Trent, Isabella, fascinée par les dragons depuis son enfance et qui a hâte de les voir dans leur élément naturel.

Lady Trent, c’est elle qui narre ses mémoires, est un mélange de convention victorienne et d’aventurière libérée. Elle ne manque ni d’esprit ni d’humour. Ses mémoires sont un régal de style, magnifiquement rendu par la traduction de Sylvie Denis. On est tellement emporté par l’histoire et par les dessins qu’on n’est pas loin de croire à ces créatures extraordinaires qu’on aimerait voir voler sous nos cieux.

Si vous écrivez de la fantasy, c’est grâce à vos études d’anthropologie, de folklore et de mythologie ?

Je savais depuis l’âge de 9 ou 10 ans que je voulais écrire de la fantasy et en même temps l’anthropologie me fascinait. Je n’ai pas fait ces études pour devenir une écrivaine de fantasy, j’ai simplement consacré mes études à ce qui m’intéressait dans les livres que je lisais. Mais c’est vrai que mes études m’ont nourrie.

Pourquoi les dragons ?
Je les aime depuis longtemps. Je ne peux pas dire que ça vient de l’enfance, sauf que j’aimais la fantasy, donc aussi les dragons, qui en sont le symbole classique. Ma famille m’a offert un calendrier Dragonology pour la Noël que j’ai affiché sur mon mur. C’était comme un guide des différents dragons dans le monde. Par ailleurs, je jouais dans des jeux de rôles à partir de Dragonomicon, qui n’était pas seulement le cadre du jeu mais fournissait nombre d’informations sur les dragons, et de très belles planches anatomiques de Todd Lockwood. Tout cela est entré dans ma tête et je me suis demandé pourquoi ne pas écrire un jeu donjon et dragon où au lieu de tuer les dragons, on les étudie. Et c’est là que j’ai abandonné le jeu pour écrire le livre. Et je suis très fière que les illustrations sont de Todd Lockwood, qui fut une de mes inspirations pour la série.

Une série ?
Après celui-ci, il y en a quatre autres. Les trois suivants sont déjà parus en anglais, le quatrième, que j’ai terminé, sera publié l’année prochaine. Le prochain en français paraitra en septembre. Les autres suivront. Et la saga sera terminée.

Votre héroïne, lady Trent, est un sacré personnage, à la fois victorienne et aventurière.
J’ai beaucoup lu sur ces femmes fascinantes qui étaient historiennes, scientifiques, sculptrices au XIXe siècle, et il y en eut plus qu’on le croit. Comme Isabella Bird, que je ne connaissais pas avant d’avoir nommé mon héroïne Isabella, et qui a écrit nombre de livres sur ses voyages. Ou Mary Kingsley, qui a voyagé en Afrique de l’Ouest. Ces femmes incroyables m’ont inspirée pour lady Trent.

Les dragons que veut étudier lady Trent sont tués par appât du gain. Votre roman est-il une métaphore de notre société ?

Ce n’est pas une métaphore spécifique pour un problème particulier. Ce n’est pas notre monde, mais on peut y entendre nombre d’échos du nôtre. Comme la chasse aux éléphants pour l’ivoire, aux tigres pour leur dépouille. Comme les guerres pour la conquête du fer, nécessaire à l’acier, et qui n’est pas présent partout dans le monde d’Isabella, ce qui évoque le pétrole.  Le livre évoque nombre de question. Comme le colonialisme, l’environnement, la guerre, le féminisme.

Propos recueillis par Jean-Claude Vantroyen à Épinal
Publié le 6 septembre 2016

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