Khimaira

Pierre Bordage est un conteur formidable et le prouve encore une fois avec sa trilogie, l'Enjomineur. D'entrée de jeu, le premier volume, 1792, est assez difficile à cerner. C'est certainement le but de l'auteur qui nous entraîne dans un univers incroyablement fouillé, jusqu'au moindre détail, historique, folklorique, coutumier. Pierre Bordage sait ainsi utiliser la langue, avec une variété de vocabulaires surprenante. Ce n'est 'ailleurs pas toujours évident à suivre, lorsque les personnages parlent le patois de la région vendéenne où se situe une bonne partie de l'intrigue. Nous nous rendons aussi à Nantes et à Parisagitées par les soubresauts de la Révolution, où des intrigues se nouent pour s'emparer du pouvoir. Si ce roman est difficile à classer, c'est qu'il tient à la fois du genre historique et fantastique et même de la fantasy. En suivant Emile, jeune paysan et Cornuaud, marin négrier et brigand, on se trouve plongé dans une histoire où abondent sorcelleries et sociétés secrètes. D'un côté, certains prétendent qu'Émile est le fils de Mélusine, de l'autre, Cornuaud se pense maudit par une prêtresse vaudoue rencontrée sur l'Indomptable. Les chapitres alternent entre ces deux personnages, ménageant un suspens qui vous amène à lire page après page pour en savoir toujours plus. On sent bien qu'Émile et Cornuaud sont liés, d'une façon ou d'une autre et la révélation apportée à la fin du premier tome, ainsi éclairé sous un nouveau jour, promet beaucoup quant à la suite. Certains regretteront toutefois peut-être que Pierre Bordage renoue avec l'hécatombe. Il faut ainsi oser tuer un personnage narrateur dès le preier chapitre. Il n'est que la première victime d'une longue liste mortuaire rédigée par Cornuaud, saisi par la saisi par une folie meurtrière qui le transforme en seriel killer avant que le terme ne soit même inventé. Mais Pierre Bordage n'est pas un tendre, l'époque qu'il a choisie non plus. Âme sensible, s'abstenir. Amoureux de fresques admirables, ouvrez ce livre!

Corrine GUITTEAUD, Khimaira, janvier/mars 2005 

Publié le 5 décembre 2008

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