Lorsque j’avais réalisé l’interview d’Elisa Beiram aux Utopiales en 2018, à l’occasion de Rêveur Zéro, déjà à l’Atalante, il y avait déjà dans un coin de sa tête (et plus probablement) ce récit de SF un brin plus optimiste que ce que nous pouvons lire ces derniers temps. Alors, nous ne pourrons pas retirer le caractère post-apo de ce nouveau récit, sur fond de réduction de la population mondiale, mais il faut avouer que Le Premier jour de paix est un titre qui incite quand même à l’espoir. Vers peut-être l’espoir d’une paix mondiale.
La première rencontre que nous allons faire est celle d’Aureliano, un vieil habitant de ce qui fut un pays de l’Amérique du Sud. Cette première rencontre nous permet de comprendre que le monde tel que nous le connaissions n’est plus. Les guerres et dérèglements climatiques ont eu des conséquences dramatiques, incluant des famines qui ont décimé la population. Les moyens de communication semblent terriblement affectés. Déjà dans un village isolé, le vieil homme a pris ses distances avec le reste des citoyens, vivant dans son coin au grand dam de sa fille qui ne voit dans sa décision que lâcheté… Désespéré par la propension de l’humanité à reproduire ses travers, il évite tout conflit avec ses voisins, vivant sa vie tout en gardant le compte de la population et essayant de joindre d’autres survivants…
La violence n’est pas une hérédité, mais un héritage, dont il est certes difficile de se défaire.
Ce qui va amener tranquillement vers la deuxième partie de ce roman qui va nous faire découvrir avec plus de détail ce qu’est devenu le monde. Ravagé, avec peu de ressources, les pays ont disparu au profit de 4 Grands Territoires. Cette nouvelle organisation ne limite pas les conflits qui sont souvent locaux. Les gestionnaires des GT tentent de gérer tant bien que mal la pénurie, et tentent aussi d’enrayer les spirales de violence qui apparaissent un peu partout, pour des raisons souvent dérisoires… Et pour cela, ils s’appuient sur des itinérants qui vont circuler entre les villages pour aider à apaiser les tensions. Leurs outils ? La communication, le dialogue et établir non les responsabilités mais l’inutilité de la violence. Parmi ses émissaires se tient Esfir, jeune femme marquée par des années sur la route et capable d’apaiser des ressentis importants. Prenant tous les risques, elle interviendra entre deux groupes pour des problématiques d’eau notamment.
La paix n’est pas… une destination… mais des conditions… grâce auxquelles il est possible de… transformer… les conflits de manière… constructive.
Et vient la dernière partie qui va nous faire prendre vraiment de la hauteur… America est une négociatrice et fait au final le même travail que Esfir mais à une échelle plus large et politique. Elle va permettre de garantir cette paix après laquelle tout le monde courre… Et je n’en dirai pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte… Nous découvrons enfin ce qu’est Le Premier jour de la paix et surtout ce qu’il veut dire et ce qu’il induit. Cette partie un peu plus longue est un peu en disruption par rapport aux deux premières parties et apporte un nouveau regard sur le récit.
Alors, on peut se poser la question : le monde peut-il envisager un premier jour de la paix ? L’actualité ne nous incite pas à l’optimisme entre les guerres qui se développent sur tous les continents, l’aggravation des problématiques climatiques qui auront de façon certaines des conséquences sur les récoltes, la remontée du rejet de l’ “Autre” dans de nombreux états. D’ailleurs, malgré une réduction drastique de la population mondiale, Elisa Beiram ne pense pas que l’humanité aura compris : les conflits sont toujours bien présents de façon souvent plus locales… Pour autant, ils et elles sont de plus en plus nombreux.ses à croire qu’une paix est possible, et notamment nos trois personnages. Il et elles vont, chacun.e à leur niveau, travailler à traiter les causes de ces maux et de cette violence inhérente. Avec plus ou moins de succès comme on s’en doute.
Qu’un million d’entre nous essaiment…/… pour qu’un milliard de plus apprennent
Le roman questionne sur nos modes de vie, sur la volonté de posséder, souvent au détriment des autres. Le fonctionnement en communautés plus petites, que nous découvrons dans le roman, semble limiter cette tendance. C’est en tout cas ce qu’on peut espérer, une idée qui mérite d’être creusée même s’il faut bien avouer qu’on préfererait s’affranchir des conditions qui ont permis cette remise en question.
Surtout, on sent cette idée que cette paix recherchée, nécessaire à la survie de l’humanité, ne peut être qu’une action coordonnée à tous les niveaux : au niveau individuel d’abord en ayant conscience de ses actes et de leurs conséquences, et d’y intégrer le respect de l’autre ; au niveau de la communauté locale, avec des acteurs comme Esfir permettant d’apaiser les tensions, non de façon violente, plutôt par la communication et le respect des positions et bien sûr à un niveau plus politique pour donner une direction au monde.
Un roman court d’Elisa Beiram qui va nous permettre donc une réflexion sur la paix et sur ce qui la rend possible.
Un roman de rentrée qui permet de mettre une petite dose d’optimisme dans un quotidien plutôt tristounet.