C’est une représentation très juste des difficultés militantes et de la complexité des questions à prendre en compte pour une société meilleure.

Subtil béton - Elaine V. Ker Lectures Fabuleuses
Article Original

[...] Subtil Béton retransmet à la perfection l’ambiance de l’organisation du militantisme : horrible. J’ai retrouvé le sentiment que j’éprouve durant les réunions interminables où on vérifie bien que tout le monde s’est exprimé, qu’on ne fait rien d’oppressif, et du coup… qu’on ne fait rien du tout. Les débats qui s’étirent, s’étirent, s’étirent sur des points insignifiants. Les groupes aux objectifs variés qui essaient de s’unir pour une action commune, et se perdent dans les protocoles comme les questions d’égo. Une représentation parfaite, à la fois factuellement et émotionnellement. Ça m’a fait plaisir, de voir cette situation dépeinte, et en même temps, qu’est-ce que c’est déprimant !

[...]

 

J’ai cependant aimé qu’on suive plusieurs points de vue, qui ancrent l’histoire dans de l’émotionnel, donnant à la fois une vision globale et individuelle. À travers les scènes de quotidien des communautés cachées et des associations militantes, Subtil Béton propose des idées et exemples concrets de ce que ça peut être, l’anarchisme. C’est bien d’être contre les prisons et la police, mais qu’est-ce qu’on fait, quand un manifestant en agresse une autre ? Et s’il n’y a pas de dirigeant·e, qui prend les décisions quand personne n’est d’accord ?

 

Seulement, avec ses nombreuses réunions militantes vides, le livre en vient, comme dans la vraie vie, à avoir peu de conclusions. On nous montre tous les points de vues et difficultés : oui, on est anti-validistes alors on ne peut pas exiger de performance des militant·es, mais bon, quand même une réunion de neuf heures, c’est si galvanisant – oui, oui, c’est un vrai exemple. Et puis, les handis qui ont la possibilité d’avoir des aménagements, ils sont privilégiés par rapport aux autres ! Ils n’ont pas le droit de lancer plus d’actions militantes, c’est injuste pour celleux qui ne peuvent pas. [...]

Peut-être que Subtil Béton veut juste montrer la complexité de la réalité, et en ça, c’est une vraie réussite. Mais dans un récit de révolution, j’aurais aimé davantage qu’un constat. J’aurais voulu une prise de position.

 

Les précisions de la note de fin étaient intéressantes, et notamment, le fait que les autrices ont dû modifier leur univers au fur et à mesure que les lois autoritaires qu’elles inventaient devenaient une réalité. J’étais aussi choquée de constater que le livre a été écrit sur quinze ans !

 

Subtil Béton est un roman difficile à lire, à la fois par son ambiance sinistre et son style alambiqué. Toutefois, c’est une représentation très juste des difficultés militantes et de la complexité des questions à prendre en compte pour une société meilleure. J’aurais toutefois préféré qu’il montre davantage la solidarité des communautés révolutionnaires, et propose un avis plus tranché sur les situations présentées.

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Publié le 14 décembre 2022

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