Galaxies

Au sortir de l'espace-tau, le vaisseau militaire Le Temps incertain est dévoré par un nuage interstellaire vivant qui n'est pas sans rappeler celui de l'astronome Fred Hoyle dans Le Nuage noir. La résistance qu'il a rencontrée l'a fait accéder à la conscience et le pousse à renouveler cette confrontation, en s'attaquant aux humains et à leurs mondes. L'ambassadeur Guarnera envoie sur Esméralda, colonie détruite par le nage, un groupe militaire chargé de comprendre ce qu'il s'est passé et de trouver une solution à une menace que personne ne comprend encore. 

Parallèlement, sa fille Évangéline, indisciplinée et dévergondée, est envoyée en pension sur un planétoïde école qui ressemble à un camp de redressement. À peine arrivée, l'endroit est envahi par une colonie de blattes géantes. Seule survivante, profitant de la mort de leur reine, Évangéline n'a d'autre choix que de se faire comprendre et obéir, entamant ainsi une métamorphose éprouvante, peu ragoûtante, seul moyen de survie, en attendant de trouver un moyen de fuir.

Il se pourrait bien cependant que cette épreuve permette à Évangéline et son père de résoudre la menace qui plane sur l'humanité.

Au premier abord, il s'agit d'un space-opera de facture classique, un conflit spatial doublé d'une quête de soi : le danger est écarté en même temps que l'adolescente cesse d'entrer en conflit pour exister et met fin à sa solitude de rebelle en consentant d'appartenir à un système. 

Il s'agit d'un space-opera organique. Comme toujours dans les récits de Dunyach, il y a beaucoup de chair : les animaux-villes abritent les humains dans leurs replis, les récits font la part belle à la sensualité, à l'expression corporelle. Ici, outre les polissonneries d'Évangéline, la communication passe par les odeurs, la sueur, les claquements de dents. Il y a quelque chose de christique dans l'idée d'une déesse qui devient chair, une dimension qui n'a pas échappé à l'auteur écrivant avec un clin d'œil que « le fruit de ses entrailles n'est plus maudit. » L'opposition entre des intelligences qui ne se comprennent pas car elles n'ont pas la même physiologie est à mettre en parallèle avec la transformation physique d'Évangéline qui accède ainsi à une maturité qu'elle était loin de trouver avec son physique de starlette. Une évolution mentale passe par une métamorphose du corps. 

Une partie du récit était parue sous forme de nouvelle dans Bifrost : on voit avec quelle maestria Jean-Claude Dunyach a su l'étoffer et lui donner toute sa dimension. Ce qu'on le lit d'abord comme une aimable distraction révèle progressivement les niveaux supérieurs de lecture : le space-opera militariste établit un parallèle avec la révolte adolescente, la quête initiatique fait place à une réflexion philosophique. Du cousu main.

 

Claude Ecken

Publié le 3 mars 2020

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