Tout comme Cygnis, le premier roman de Vincent Gessler, Mimosa nous entraîne dans un récit de science-fiction à l’originalité folle. Ici, il n’est pas question de survie dans un avenir postapocalyptique et sauvage, le roman est un amalgame de cyberpunk, de pop culture et de musiques cultes. Dans cet après qui a connu la crise climatique et l’effondrement géopolitique, la viande de soja côtoie les interfaces neuronales. Mais surtout, on peut voir Crocodile Dundee conduire un side-car dans des favelas moites avant d’affronter des néonazis français ! Vous aimeriez en savoir plus ? Alors en route pour Santa Anna.
« Comment connais-tu Pardón ? L’as-tu rencontré ? — Non, on ne le rencontre jamais. Il agit par intermédiaires, mais on sait qu’il donne dans tous les trafics… — S’il agit par intermédiaires, comment sais-tu que c’est lui ? — Personne ne s’amuse à le copier ni à se faire passer pour lui. C’est arrivé une fois. Les gars, ce n’étaient pourtant pas des tendres… Quand on les a retrouvés, la moitié pleurait sans arrêt. Ils étaient comme des enfants. Et l’autre moitié, pour faire passer le message, ils avaient été pelés vivants. Pfiouit ! Plus de peau sur le corps, nulle part. Alors personne ne se fait passer pour Pardón. — Et comment sais-tu que Pardón a des dents noires et un tatouage ? — Tout le monde sait ça, bon sang ! Dieu a une barbe et une auréole, pourtant vous ne l’avez pas rencontré ! Pardón c’est pareil, il a les dents noires et un tatouage. »
Mimosa, Vincent Gessler, L’Atalante
Stars
La mode à Santa Anna, c’est de devenir le sosie d’une célébrité, fictive ou réelle. Ici, Sean Astin est un policier, Lambert Wilson un assassin redoutable et James Brown travaille comme fleuriste. Tout le monde est une imitation. Sauf Tessa. Tessa dirige une agence de détectives, la Two Guns Company & Associates.
La traque du mystérieux tueur aux mimosas va la mener, elle et ses compagnons — Ed Harris, un expert hacker et Rod Ansell, alias Crocodile Dundee — sur la piste d’un complot mêlant tous les gangs de la ville. Entre deux brochettes de soja, la petite bande va devoir affronter un sosie d’Hitler, repousser l’attaque d’un mecha titanesque en plein cœur des égouts, voir Jésus mourir une nouvelle fois et coopérer avec un assassin dont la mémoire est effacée après chaque contrat.
Cependant, les mimosas font petit à petit remonter de lointains souvenirs dans l’esprit de Tessa. Qui est-elle vraiment ? Pourquoi a-t-elle l’impression de connaître Pardón, ce tueur légendaire source de mille et une rumeurs ? Et d’où lui viennent ses capacités de combat extraordinaires, qui semblent piloter son corps lorsqu’elle est en danger ? En filigrane de son enquête policière, Mimosa nous plonge dans une autre quête, plus intimiste, celle de l’identité.
Cinéma
Pas étonnant que Mimosa partage tant de points communs avec le cinéma de science-fiction du xxe siècle, lorsqu’on sait que son auteur est aussi scénariste. En le lisant, on imagine sans mal des rues tortueuses à la Blade Runner, des technologies folles comme dans Total Recall et un arsenal militaire digne d’un Judge Dread. Le roman incarne ce futur ni tout à fait joyeux ni totalement désespéré que l’on retrouvait dans les productions des années 1980. Le parallèle avec le 7e art continue même après la dernière page, lorsque Vincent Gessler nous offre un faux making of, des scènes ratées et des interviews de ses personnages. Une mise en abyme qui vient casser encore un peu plus les codes du genre.
Même les icônes choisies, copies ou originaux, fleurent bon les vêtements fluo et les enseignes au néon : Jim Morrison, l’inspecteur Harry, Nine inch Nails, Eurythmics, The Prodigy, Jean-Claude Van Damme… Mimosa est un roman qui convoque tout un imaginaire d’anticipation pop, bardé d’icônes, de références, entre contemplation philosophique et action survoltée. Un récit qui se révèle couche après couche, comme ses personnages qui se mettent petit à petit à nu, sa ville dans laquelle on s’enfonce, ses secrets que l’on perce à jour peu à peu. Cette histoire, qui débute comme un roman noir cyberpunk, bascule dans une aventure qui se permet toutes les fantaisies, sans jamais tomber dans le ridicule.
Vincent Gessler a compris quelque chose de très important : dans son propre roman, on peut tout se permettre. Il s’affranchit ainsi des carcans du genre et, en plus de brasser large (clonage, augmentation de l’espérance de vie, I.A. sentiente, organes synthétiques et autres membres bioniques…), il s’autorise des digressions musicales et politiques. Mimosa est une œuvre unique, à part, avec des personnages qui, sous leurs masques de copies de célébrités, apparaissent terriblement humains et faillibles.