C’était intelligemment écrit. C’était profond et avec de beaux moments d’humanités, même dans ce qu’elle a de plus petit.

Des milliards de tapis de cheveux - Les blablas de Tachan
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Je continue mon tour d’horizon dans mes découvertes SF de ces derniers mois. Après le versant transalpin avec Paolo Bacigalupi, place à celui de l’autre côté du Rhin avec Andreas Eschbach, un prolifique auteur allemand, qui nous propose ici un space opera mélange d’Herbert et d’Asimov, deux de mes auteurs préférés !

Des milliards de tapis de cheveux est pourtant un texte qui date un peu. Paru pour la première fois au milieu des années 90, il revient sur le devant de la scène avec sa réédition poche dans la nouvelle collection dédiée de l’éditeur avec une couverture des plus inspirante mais un peu divulgachante, je trouve. Pour ma part, je me suis lancée à l’aveugle dans cette lecture, avec juste l’envie de découvrir un auteur primé. Il avait reçu dans les années 2000 le Prix Bob Morane, puis le Grand Prix de l’Imaginaire du meilleur roman étranger. J’étais curieuse de voir ce que donnerait cette SF d’un auteur allemand et ce fut une excellente surprise !

Le fait de ne rien savoir, vu la gageure du succès de ma lecture, alors si vous souhaitez vous arrêter là pour vous préserver, je le comprendrais… Attention, dernière chance ! J’y vais.

Pour pénétrer dans l’univers court mais ô combien bien construit d’Andreas Eschbach, il faut aimer se laisser conduire. En effet, après une première rencontre avec une petite planète aux confins de l’Empire où les habitants de père en fils tissent pour les vendre à l’Empereur, des tapis de cheveux confectionnés avec ceux de leurs compagnes et enfants, l’auteur nous embarque peu à peu dans un récit bien plus vaste. L’astuce – et je l’ai adoré ! – confier chaque chapitre à un narrateur différent en mode conte en randonnée, ou plutôt relais narratif. Une expérience des plus séduisantes ! Brillante !

J’ai ainsi beaucoup pénétrer dans l’univers de cet Empire à travers de multiples fenêtres, chacune conduisant à la suivante et offrant peu à peu une vue d’ensemble inimaginable au commencent. C’est très malin. C’est également assez classique puisqu’on retrouve des allures de Herbert et la géopolitique de Dune, mais aussi d’Asimov et les surprises de sa Psychohistoire. Forcément la lectrice adoratrice de ces univers que je suis n’a pu qu’adorer et frétiller devant ces références loin d’être involontaire mais contribuant à la construction d’un univers des plus enthousiasmants dont la rencontre et le récit furent si bien pensé.

Les personnages croisés sont ainsi multiples et si on aime la SF humaine, il y a de quoi faire lors de chaque tableau, que ce soit avec des enfants trahis, des parents malheureux, des rebelles abandonnés, des monarques surprenant et bien d’autres. Ce sont tous des porteurs de concepts puissants, mais peut-être un peu trop, puisqu’on aura tendance à les retenir surtout pour ça. Ça ne m’a pas du tout dérangé vu que j’adore ça, mais ça pourra être une limite pour certains lecteurs, je pense.

De la même façon, le récit se veut intime et pénétrant au début, puis se métamorphose ensuite peu à peu dans son aura et ses enjeux. Il gagne et gagne en force, en mystère, puis en réponse puissante, mais à partir du moment où l’une d’elle advient, assez rapidement dans l’histoire, le souffle retombe un peu, avant que la poursuite de la quête originale ait un regain de puissance. Cependant aucune déception finale avec une réponse des plus intelligentes en mode pied de nez que j’ai adorée !

Amoureuse des space opera, des récits malins et des ambiances me rappelant des grands auteurs que j’affectionne, je ne pouvais que tomber sous le charme de ce conte futuriste où Raiponce n’a qu’à bien se tenir ! C’était intelligemment écrit. C’était profond et avec de beaux moments d’humanités, même dans ce qu’elle a de plus petit. Un beau récit sur le poids des traditions et le danger des despotes. Je me suis régalée et j’ai très envie de continuer à découvrir l’auteur.

Publié le 13 juin 2025

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