Des milliards de tapis de cheveux est le premier roman d’Andreas Esbach qui l’a fait découvrir lors de sa parution en Allemagne, en 1995. La première édition française est parue en 1999 chez L’Atalante. La forme est assez inhabituelle, l’histoire se décomposant en dix-sept chapitres indépendant qui peuvent se lire comme autant de nouvelles. Certains personnages se retrouvent dans plusieurs chapitres, et l’explication de l’origine des tapis de cheveux -et d’un certain nombre d’autres énigmes- est donnée tout à la fin. Il faut accepter de ne pas tout saisir d’emblée et naviguer au fil de la lecture. Les chapitres sont écrits en suivant le point de vue d’un personnage différent à chaque fois, donnant au récit la complexité et la richesse d’une polyphonie, les caractères et les contextes étant extrêmement variés. Tous n’auront donc pas le même impact sur le lecteur, suivant ses goûts et sa sensibilité. A mon sens, le chapitre 14, intitulé "Le Palais des Larmes" est sans doute le plus beau, d’une cruauté lyrique et pourtant sans appel, résumant à lui seul la virtuosité de l’écriture d’Esbach (traduite d’une main de maître). Impossible de citer les deux derniers et terribles paragraphes, les plus révélateurs du style de l’auteur, sans gâcher irrémédiablement le plaisir de la lecture. Le chapitre 12, "Le Rebelle et l’Empereur", est également terrible, pour des raisons autrement différentes mais qui dans le contexte actuel suscite d’autant plus de questions sur la tyrannie d’un système de pensée unique, totalitaire et efficacement relayé par les organisations adéquates. A la manière d’une enquête à rebours, on apprend comment l’Empereur est tombé, tué par les rebelles ; comment fonctionne l’Empire, ou plus exactement, comment il fonctionnait dans le système de Gheera. Un livre bluffant, un de plus où on se dit que les distinctions de littérature s »blanche », « mauvais genres » ou « littératures de l’Imaginaire » n’ont, dans le fond aucune bonne raison d’être. Il y a la Littérature, celle qui soulève le cœur, qui empêche de dormir, qui fait écho à des questionnements, qui suscite les passions et qui reste, des années après, inoubliables, même si les premiers émois de lecture ne parviennent pas à être ressuscités. Tout ce qui reste est objet de consommation, plus ou moins durable, agréable et périssable. La première est Verbe (ce qui n’exclut pas, pour moi du moins, l’humour ou la légèreté), le reste est bavardage. Le livraire

Eschbach - Des milliards de tapis de cheveux - Le livraire

Des milliards de tapis de cheveux est le premier roman d’Andreas Esbach qui l’a fait découvrir lors de sa parution en Allemagne, en 1995. La première édition française est parue en 1999 chez L’Atalante.

La forme est assez inhabituelle, l’histoire se décomposant en dix-sept chapitres indépendant qui peuvent se lire comme autant de nouvelles. Certains personnages se retrouvent dans plusieurs chapitres, et l’explication de l’origine des tapis de cheveux -et d’un certain nombre d’autres énigmes- est donnée tout à la fin. Il faut accepter de ne pas tout saisir d’emblée et naviguer au fil de la lecture. Les chapitres sont écrits en suivant le point de vue d’un personnage différent à chaque fois, donnant au récit la complexité et la richesse d’une polyphonie, les caractères et les contextes étant extrêmement variés.

Tous n’auront donc pas le même impact sur le lecteur, suivant ses goûts et sa sensibilité. A mon sens, le chapitre 14, intitulé "Le Palais des Larmes" est sans doute le plus beau, d’une cruauté lyrique et pourtant sans appel, résumant à lui seul la virtuosité de l’écriture d’Esbach (traduite d’une main de maître). Impossible de citer les deux derniers et terribles paragraphes, les plus révélateurs du style de l’auteur, sans gâcher irrémédiablement le plaisir de la lecture.

Le chapitre 12, "Le Rebelle et l’Empereur", est également terrible, pour des raisons autrement différentes mais qui dans le contexte actuel suscite d’autant plus de questions sur la tyrannie d’un système de pensée unique, totalitaire et efficacement relayé par les organisations adéquates.

A la manière d’une enquête à rebours, on apprend comment l’Empereur est tombé, tué par les rebelles ; comment fonctionne l’Empire, ou plus exactement, comment il fonctionnait dans le système de Gheera.

Un livre bluffant, un de plus où on se dit que les distinctions de littérature s »blanche », « mauvais genres » ou « littératures de l’Imaginaire » n’ont, dans le fond aucune bonne raison d’être. Il y a la Littérature, celle qui soulève le cœur, qui empêche de dormir, qui fait écho à des questionnements, qui suscite les passions et qui reste, des années après, inoubliables, même si les premiers émois de lecture ne parviennent pas à être ressuscités. Tout ce qui reste est objet de consommation, plus ou moins durable, agréable et périssable. La première est Verbe (ce qui n’exclut pas, pour moi du moins, l’humour ou la légèreté), le reste est bavardage.

Le livraire

Publié le 28 juin 2010

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