Investir l’immobilier : la pierre, une valeur sûre.

Un univers parisien intra-muros

Myriam n’est pas la plus brillante des jeunes femmes, et elle a eu tendance à profiter des joies de la jeunesse et de la vie. Entre flirts, joints et la pratique du squat de bâtiments abandonnés, nous pouvons dire qu’à 25 ans, elle a roulé sa bosse et a jouit de quelques années bohèmes (et aventureuses).

Mais voilà, suite à la longue maladie de sa mère, et toute la cohorte d’émotions accompagnant cette situation, elle a décidé de prendre sa vie en main : direction La Capitale, La Ville Lumière, Panam dans toute sa splendeur, avec ces monuments, ses vielles pierre, ses architectures travaillées et enviées…

Question job, elle se contente de ce qu’elle trouve, autrement dit, un boulot payé au lance-pierre, une considération identique à celle portée aux termites ainsi qu’un encadrement digne des bagnes des Misérables. Enfin, vous voyez le topo. Pourtant, le roman ne se déroule pas au XIX siècle. Que neni! C’est très contemporain, c’est aujourd’hui ou demain ou encore dans quelques années. La date est difficile à situer, mais cela n’a guère d’importance.

Myriame décroche un CDD dans une boite dénommée Zuidertoren, spécialisée dans la collecte d’informations. Dès les premiers temps, notre protagoniste s’aperçoit que les choses tournent pas forcément de manière logique dans la société…

Puis, très vite, elle est contactée par l’énigmatique Duncan Vane, qui montre un intérêt certain pour la jeune femme. Des conversations polies, en discussions plus personnelles, les deux lient une relation construite sur une attirance réciproque et une certaine ambiguïté.

Le voile se lève peu à peu, car Myriame est têtue et ne s’en laisse pas compter… Duncan est… un vampire, dirons nous…

L’Empire immobilier des vampires

En effet, Catherine Dufour ne nous propose pas un pastiche, une revisite ou une appropriation du mythe vampire à la sauce Twilligth. Certes, notre bel inconnu est ténébreux, peu causant, très curieux, avide de présence, mais il ne brille pas en plein jour, ne se met pas à un régime pour sa belle, et assume parfaitement sa nature. Bref, Ducan Vane et ceux de son espèce sont loin d’être du style vampire « végéte-et-rien ».

Ils aiment le sang. Parmi eux, certains sont complétement avides de chair humaine, et sont friands de la chasse à courre (d’humains, hein… pas de chèvre ou de caribou). A l’image de toute société, leurs individus sont divers avec des comportements totalement névrotiques, des consciencieux, des salopards,… il y a une belle panoplie, et j’ai adoré certains d’entre eux!

Vous vous demandez comment leur présence passe inaperçue à l’heure d’internet et des réseaux sociaux?

C’est qu’ils sont parfaitement intégrés parmi nous – les humains, accessoirement le bétail – et qu’ils maitrisent très bien les technologies modernes. Ils se sont construits de beaux empires immobiliers ou d’autres sociétés qui leur permet de vivre sous divers couverts. Pour autant ils ne sont pas invisibles et leur ennemis sont particulièrement redoutables. Une guerre discrète les oppose, mais vous n’en savez rien, car tout se fait sous couvert de la la légalité.

Pour les amoureux de la dichotomie et des champions de la Lumière, je crains que ce roman tout en nuances de gris (les 50 ne sont pas loin quand nous considérons la relation masochiste qu’entretient notre héroïne avec Duncan), n’épouse pas votre soif de limpidité et de pureté…

Je vais éviter de  dévoiler la nature exacte de la société vampire ainsi que leurs ennemis, car toute cette découverte participe à l’attrait du texte de Catherine Dufour. L’ensemble très bien exploitée,  offre une autre facette au mythe.

Quand à l’intrigue, comme toute guerre durant depuis des siècles, vous n’en aurez qu’une tranche, assez consistante, mais ne vous attendez pas à la voir s’achever dans la courte période d’une vie humaine. Myriame, à son corps défendant (mais consentant…) s’y trouve mêlée, et le lecteur se demande comment elle pourrait s’en sortir.

Notre protagoniste n’est pas une héroïne à la Lara Croft qui tire sur tout ce qui bouge (ou qui ne bouge pas), bien que très résiliente,elle n’a pas vocation à devenir le paladin de notre temps. S’il elle s’en sort vivante, c’est sans doute le mieux que l’on puisse espérer.

Une fable contemporaine

Cette absence d’option, ou d’ouverture héroïque, illustre parfaitement bien un sentiment qui pourrait décrire notre époque ; la fin des illusions et des perspectives assez limitées. Le ton acerbe du texte colle parfaitement à l’ambiance et offre une critique du monde du travail dans les grandes entreprises. Toutefois, il ne faut pas noircir le tableau, car, l’auteur nous permet de découvrir de magnifiques facettes de Paris. SI j’avais l’occasion je lui demanderais si elle a voulu retranscrire son amour pour ces vielles pierres.

Entends la nuit de Catherine Dufour offre une entrevue de Paris hors des sentiers battus, en compagnie de créatures antiques, tout en ravivant le mythe des lémures, et autres vampires modernes. Très loin du clichés commercial de l’éphèbe végète-et-rien, les créatures mises en scènes diverses et captivantes marqueront le lecteur. Cette fable contemporaine propose un regard acerbe sur notre société actuelle, les cœurs tendres devront s’abstenir.

Ce livre est pour vous si :
  • vous savourez les récits nerveux
  • vous aimez lire un roman assez sombre
  • vous voulez découvrir une nouvelle facette des mythes vampires
je vous le déconseille si :
  • Vous ne voulez que des êtres brillants surtout en plein jour
  • Vous êtes un amateur de SF, et c’est tout!
  • Les vampires sont beaux et bons quoi qu’on en dise

Le 14/12/2018

Publié le 14 décembre 2018

à propos de la même œuvre