« L'autrice révèle un roman de fantasy urbaine très prenant dans lequel j'ai plongé tête la première et n'en suis ressortie qu'à la fin. »

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L'autrice révèle un roman de fantasy urbaine très prenant dans lequel j'ai plongé tête la première et n'en suis ressortie qu'à la fin. Son style est incisif, drôle, aux images surprenantes, et le récit bourré de références littéraires, dont de gros clins d’œil à Shakespeare. En parlant du dramaturge, il y a une certaine théâtralité dans Entends la nuit, et comme l’œuvre de l'auteur anglais, ce roman s'apparenterait à une tragi-comédie emmenée par le sarcasme de l'héroïne dans un environnement oscillant entre sublime et grotesque (aux sens littéraire et artistique).
 
Le récit se place en effet du point de vue de Myriame, jeune femme au caractère bien trempé et à la langue bien aiguisée, que l'on prend vite en affection, et on se met rapidement au diapason en suivant sa romance plus que bizarre dans un Paris habité par des créatures mythiques. Ainsi, le second personnage et objet de ses pensées est Duncan Vane, un bellâtre prétendant, au début de leur relation à distance, habiter l'Écosse, dont le visage de marbre la fascine. Ce dernier a des manières d'aristocrate poussiéreux, s'entoure de mystères et a un côté paternaliste que Myriame n'hésite pas à remettre à sa place. La beauté froide et statufiée de Vane est à la fois envoûtante et effrayante. Ce dernier apporte sa touche de poésie surannée, et en même temps, une certaine monstruosité. L'histoire d'amour entre les deux protagoniste est magnétique et morbide. Catherine Dufour revisite donc le couple vampire/humaine d'une belle et ironique façon.
 
En parlant de morbide, l'un des thèmes principaux de ce roman est la mort, présente métaphoriquement et littéralement. Paris est une ville millénaire, dont les murs reposent sur d'autres murs, qui reposent sur une terre pleine de ruines et d'ossuaires ; ville immortelle et qui repose pourtant sur des fondations fragiles. Et sous ces fondations reposent les morts, avec leurs os friables mais dont les souvenirs hantent à jamais l'esprit de la plus grande ville de France. C'est à l'image de cet oxymore, immortel et fragile, que l'autrice a façonné ses lémures : malgré leurs pouvoirs et leur longévité, ces derniers ne sont plus rien si leurs fondations s'effondrent...
 
Le monde de l'entreprise est pointé du doigt à travers les yeux de la narratrice : l'hyperconnexion, la surveillance vidéo, autant de moyens abusifs dont usent nombre d'entreprises sur leurs employés, sans compter les relations hypocrites entre collègues, prêts à sa vautrer dans la délation si cela peut leur rapporter un sourire - ou plus - de la hiérarchie, ici de beaux lémures froids comme la pierre. Une pierre qui semble chère au cœur de l'autrice puisqu'on découvre un Paris mystérieux et unique à travers les murs de ses monuments, dont l'Opéra Garnier et la tour Saint-Jacques.
 
Pas de points négatifs à apporter à ce roman, si ce n'est peut-être la fin, qui m'a un peu déçue. Je m'attendais à plus de grandiose et quelque chose d'heureux, digne des romans d'amour (mon côté fleur bleue, sans doute), mais cela le démarque de la bit-lit habituelle...
 
J'ai abordé dans les grandes lignes ce qui m'a le plus plu dans ce roman, que je recommande fortement aux amateurs de créatures fantastiques et de vieilles pierres ;) !
Publié le 14 février 2020

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