Alors qu'elle se trouve physiquement en danger dans une Indonésie en proie au chaos — du fait d'un brutal effondrement économique — , Dagmar prend pleinement conscience de l'impact possible de ses ARG (Alternate Reality Games) sur la réalité. Car lorsqu'on peut mobiliser une communauté entière de joueurs acharnés, dont le nombre peut s'élever à plusieurs millions, ne dispose-t-on pas de plus de ressources qu'une simple agence de mercenaires, que la police ou même l'armée d'un état ? Ne peut-on dès lors impliquer ces joueurs dans un périlleux sauvetage ? Les lâcher aux trousses d'un meurtrier ? Leur faire commettre, à leur insu, un acte terroriste ? Les utiliser pour fausser les cours de la bourse ou pour déclencher la plus vaste opération de hacking jamais conçue ? Où se situe la frontière entre le jeu et la réalité ? A partir de quand la manipulation du « marionnettiste » devient-elle criminelle ? Comment l'humanité peut-elle se préparer à affronter les conséquences d'un jeu mené à une telle échelle ? Le talent de Walter Jon Williams pour dynamiser ses intrigues grâce à une ambiance polar ou western n'est plus à souligner. On ne sera donc pas surpris de constater que l'auteur se montre une nouvelle fois redoutablement efficace dans ce thriller réaliste où les joueurs en réseaux sont employés comme des pions consentants et enthousiastes bien qu'inconscients des enjeux réels. L'Atalante publie cet ouvrage dans la collection « Insomniaques et ferroviaires » car, en effet, il ne s'agit pas de SF, même si cette réflexion paranoïaque sur la virtualité et la manipulation nous rapproche grandement du genre. Aucun détail de l'intrigue n'est futuriste, tout pourrait arriver aujourd'hui, peut-être même est-ce déjà en train de se produire... Il n'y a qu'à voir la crise financière actuelle : nos traders affrontent-ils l'économie autrement que comme un jeu excitant et lucratif, en oubliant l'impact potentiel de leurs paris ? Si l'univers décrit est sans doute plus simple et moins foisonnant que beaucoup des précédents romans de l'auteur – dont Avaleur de mondes chez le même éditeur — , le propos en demeure aussi ingénieux et pertinent. Jeu de faux-semblants ponctués par des titres à la Magritte, thriller contemporain aussi palpitant qu'intelligent, Ceci n'est pas un jeu captive dans un premier temps puis impressionne durablement par ses implications. Voilà qui nous fait regarder d'un autre œil nos MMORPG. Pascal PATOZ

Williams - Ceci n'est pas un jeu - Noosfere

Alors qu'elle se trouve physiquement en danger dans une Indonésie en proie au chaos — du fait d'un brutal effondrement économique — , Dagmar prend pleinement conscience de l'impact possible de ses ARG (Alternate Reality Games) sur la réalité.

Car lorsqu'on peut mobiliser une communauté entière de joueurs acharnés, dont le nombre peut s'élever à plusieurs millions, ne dispose-t-on pas de plus de ressources qu'une simple agence de mercenaires, que la police ou même l'armée d'un état ? Ne peut-on dès lors impliquer ces joueurs dans un périlleux sauvetage ? Les lâcher aux trousses d'un meurtrier ? Leur faire commettre, à leur insu, un acte terroriste ? Les utiliser pour fausser les cours de la bourse ou pour déclencher la plus vaste opération de hacking jamais conçue ?

Où se situe la frontière entre le jeu et la réalité ? A partir de quand la manipulation du « marionnettiste » devient-elle criminelle ? Comment l'humanité peut-elle se préparer à affronter les conséquences d'un jeu mené à une telle échelle ?

Le talent de Walter Jon Williams pour dynamiser ses intrigues grâce à une ambiance polar ou western n'est plus à souligner. On ne sera donc pas surpris de constater que l'auteur se montre une nouvelle fois redoutablement efficace dans ce thriller réaliste où les joueurs en réseaux sont employés comme des pions consentants et enthousiastes bien qu'inconscients des enjeux réels.

L'Atalante publie cet ouvrage dans la collection « Insomniaques et ferroviaires » car, en effet, il ne s'agit pas de SF, même si cette réflexion paranoïaque sur la virtualité et la manipulation nous rapproche grandement du genre. Aucun détail de l'intrigue n'est futuriste, tout pourrait arriver aujourd'hui, peut-être même est-ce déjà en train de se produire... Il n'y a qu'à voir la crise financière actuelle : nos traders affrontent-ils l'économie autrement que comme un jeu excitant et lucratif, en oubliant l'impact potentiel de leurs paris ?

Si l'univers décrit est sans doute plus simple et moins foisonnant que beaucoup des précédents romans de l'auteur – dont Avaleur de mondes chez le même éditeur — , le propos en demeure aussi ingénieux et pertinent. Jeu de faux-semblants ponctués par des titres à la Magritte, thriller contemporain aussi palpitant qu'intelligent, Ceci n'est pas un jeu captive dans un premier temps puis impressionne durablement par ses implications. Voilà qui nous fait regarder d'un autre œil nos MMORPG.

Pascal PATOZ

Publié le 15 mars 2010

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