Troisième opus indépendant des Archives des Collines-Chantantes, de Nghi Vo, Entre les Méandres nous emmène à la découverte d’une nouvelle région de cet univers où les récits guerriers sont plus nombreux que partout ailleurs.
Dans ce troisième opus, l’adelphe Chih voyage en compagnie de 4 autres personnes (passionnantes et surprenantes) au cœur de la région des Méandres où de nombreux récits épiques et guerriers sont le ciment de la culture locale. Entre les méfaits de réseaux criminels cruels et sans pitié et les personnages légendaires qui ont lutté contre eux, les mythes locaux sont une manne de richesse pour toute personne amatrice d’histoires. Mais toutes et tous n’ont pas forcément le même point de vue sur les récits de légendes. L’adelphe confronte ainsi à nouveau dans ce troisième opus les différentes versions d’une même histoire en s’axant cette fois plus sur les interprétations que les différentes personnes qui les lui content ont des récits. Ainsi, là où certains verront un acte épique, d’autres pointeront le sexisme de la légende. Magnifique réflexion sur les différentes lectures que nous pouvons faire d’un même récit, Entre les méandres nous fait naviguer au cœur des mots envoûtants de l’autrice en questionnant aussi le pouvoir des légendes qui ne sont souvent que le résultat de ce qu’on a bien voulu en dire et non point des faits. Nghi Vo en explore ainsi les limites comme les forces et la capacité qu’ont les légendes de réarranger l’Histoire au bon vouloir du conteur.
Là où les deux premiers opus étaient plus « statiques », Entre les méandres est un récit de voyage intense où la menace est permanente. Bien que le second opus nous proposait une situation de danger et de tension, il y a cette fois de grandes scènes d’action, et même de combat, où la vie de l’adelphe et de celleux qui l’accompagne sont menacées. Les légendes guerrières prennent alors un autre sens quand la réalité rattrape la fiction. La peur, bien réelle, prend le pas sur le plaisir des récits épiques écoutés au coin du feu. Mais l’héroïsme reste pourtant tout aussi fascinant, surtout quand il éclaire soudain quelques vérités. Car les histoires, même les plus mythiques, cachent toujours en creux quelques réalités et faits cachés dans le légendaire. Elles révèlent alors toute la pluralité de l’être humain et notre incapacité à tout saisir de l’autre, mais aussi notre habitude à définir l’autre par des histoires aux interprétations subjectives. La surprise est permanente dans ce récit où se révèlent, petit à petit, des bribes de vérité qui ont parfois encore plus d’impact que le plus épique des mythes.
En bref, magnifique récit sur le pouvoir des histoires et la pluralité de l’être humain sur fond d’une aventure épique à souhaits, Entre les Méandres est aussi captivant qu’original. On s’y laisse emporter comme on savoure un récit passionnant au coin du feu et on admire la capacité qu’à Nghi Vo de nous envoûter par ses légendes et de nous surprendre par ses réflexions sur leur pouvoir et leurs limités. Coup de cœur pour le côté réconfortant de cette histoire qui nous rappelle le plaisir des contes.