Le talent de conteur de Nghi Vo, auquel participe toute la justesse de sa traduction, ne peut que magnifier notre rapport à cet autre temps.

Entre les méandres - Lefictionaute.com
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Troisième opus du cycle « Les Archives des Collines-Chantantes », entamé par L’Impératrice du Sel et de la Fortune, prix Hugo 2021 et Quand la tigresse descendit de la montagne, Entre les Méandres jouit quant à lui du prix Ignyte Award 2023.
 
Ce troisième titre voit son action débuter dans une taverne dans laquelle éclate une échauffourée venant interrompre le repas de notre archiviste Chih. Elle oppose une combattante à un malotru venu chercher querelle. Au regard de la pratique martiale déployée par cette dernière, Presque-Brillante, l’oiseau parlant et gardien de bien des légendes se montre convaincu que cette jeune guerrière met en œuvre le style du singe du Sud. Une technique jadis enseignée au sein d’une école d’arts martiaux probablement dissoute aujourd’hui. Sympathisant avec cette redresseuse de tords et sa sœur, voilà nos quatre aventuriers décidés à faire route ensemble, accompagnés quelque temps plus tard par un jeune couple issu des environs. Et tous de traverser les méandres du fleuve Huan pour se rendre vers Quais-de-Bétoine. La traversée ne sera pas sans risque, lesdits méandres étant réputés peuplés de brigands et de légendes, dont les versions diffèrent les unes des autres. Un voyage des plus stimulants pour notre archiviste, avide d’histoires à entendre et à consigner, toute la difficulté et l’intérêt résultant précisément dans l’art de démêler le vrai du faux…
Impatient de retrouver les aventures de notre sympathique archiviste Chih, voilà votre chroniqueur comblé de cette courte attente. Ce troisième opus se rattache davantage au second titre, quelque peu rocambolesque, qu’au premier, plus hermétique et intimiste. Entre les Méandres offre au lecteur une déambulation au cœur des contes et légendes de l’Extrême-Orient, entrecoupée de saynètes d’action fort bien distillées, réussissant en cela la prouesse de conjuguer ces deux univers. Cette alliance entre l’onirisme et le factuel, faite d’incessants allers et retours de l’un à l’autre, sorte de jeu dialectique, offre une dynamique au récit toujours stimulante.
Lecture enchanteresse qui nous porte sur les versants d’une mythologie que le lecteur occidental a peu l’habitude d’arpenter. Et ce dernier de saisir toute la richesse justement de ces contrées éloignées, par-delà les écritures et réécritures qui font le sel de nos mythes, contes et légendes. Si les aventures de notre archiviste Chih et de son singulier compère l’oiseau Presque-Brillante nous fascinent autant, c’est qu’elles éveillent en nous comme une remémoration, nous ramenant aux origines de notre humanité. Elles nous parlent de ce qu’il y a de plus précieux, à savoir l’homme. Elles nous semblent tout à la fois tellement étrangères et tellement familières. Et le talent de conteur de Nghi Vo, auquel participe toute la justesse de sa traduction, ne peut que magnifier notre rapport à cet autre temps. Des temps antédiluviens à notre échelle moderne, certes, mais une temporalité qui ne cesse de se rendre présente à notre imaginaire, sous la plume ciselée de son auteure. Autant dire notre impatience à parcourir à nouveau les confins de l’Empire en compagnie de ce riche folklore, pétri de monstres, de divinités, de héros légendaires et autres manifestations merveilleuses !

 

Publié le 30 novembre 2023

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