Comme pour les précédents romans de Becky Chambers, ce qui fait la qualité de La Galaxie vue du sol réside ainsi dans la rencontre des cultures, des habitudes et des manières de penser : c'est là que se situe le cœur du roman.

La Galaxie vue du sol - Bifrost n°112

Quatrième et denier opus du cycle "Les Voyageurs", La Galaxie vue du sol forme une conclusion élégante à la série (lauréate du Prix Hugo)... Et ce, sans un être humain en vue ! Le roman se concentre ainsi principalement sur différents protagonistes issus de races différentes peuplant l'univers imaginé par Becky Chambers dans L'Espace d'un an, Libration et Archives de l'exode.
Le dispositif du roman est assez simple et se déroule dans un spatioport sur la planète Gora, aux confluents de plusieurs routes galactiques, lieu qui n'a pas grand intérêt en dehors de sa praticité et de ses auberges pour voyageurs et voyageuses de passage. C'est dans l'un de ses établissements, l'Auberge des cinq sauts, tenue par Ouloo et son enfant Tupo, qu'accosteront nos protagonistes, dont un visage connu comme il est de coutume dans ce cycle : Pei, militaire de race Aeluon et amante du capitaine Ashby, rencontrée dans L'Espace d'un an. S'y trouvent aussi Roveg, de race Quelin (que l'on pourrait qualifier d'insectoïde), artiste en voyage vers sa planète dont il est exilé depuis de nombreuses années, Parleuse et Pisteuse, adelphes de race Akarak, ne pouvant survivre hors d'une atmosphère spécifique à leur planète détruite et incapables, donc, de quitter leur scaphandre, tout en pâtissant d'une longévité très courte comparée aux autres espèces présentes.
Spécificités physiologiques et de tempéraments nous sont exposées tout au long du roman, permettant d'appréhender l'unicité et les possibles antagonistes des diverses entités avec subtilité. À la suite d'une avarie technique, les quatre hôtes de l'Auberge se verront forcés d'allonger leur escale pour une durée indéterminée, et de remettre en question aussi bien leurs prochaines destinations que les raisons qui les y mènent.

Comme pour les précédents romans de Becky Chambers, ce qui fait la qualité de La Galaxie vue du sol réside ainsi dans la rencontre des cultures, des habitudes et des manières de penser : c'est là que se situe le cœur du roman. Que les différends soient intimes ou géopolitiques, impossibles à résoudre ou simple à outrepasser, le temps s'écoulera sous le joug de l'incertitude. Quels liens pourront se tisser lors de cette période donnée ? Quelles prérogatives sont menacées par cette rupture soudaine ? Pour chacun des personnages, l'impact de cette pause se fait sentir, et donnera lieu à de belles scènes d'introspection, de partage et de curiosité, autant qu'à des conflits insolvables... Jusqu'à un danger qui verra s'unir le groupe solidement, bien que de façon éphémère. Après quoi chacun pourra reprendre sa route – à commencer par le lecteur, qui se tournera vers d'autres galaxies non sans un pincement au cœur.

Éva Sinanian

Publié le 26 octobre 2023

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