En somme, cette série, couronnée par un Hugo en 2019, reste d'excellente facture, et ceux et celles qui en ont aimé les précédents opus se régaleront tout autant avec celui-ci.

La Galaxie vue du sol - Les Chronique de l'Imaginaire
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Gora, en soi, n'a aucun intérêt, mais comme sur toute planète située à un nœud galactique, où les occupants des vaisseaux en transit peuvent passer un temps plus ou moins long, des services se sont développés. C'est ainsi que la laru Ouloo a créé, sous dôme, l'Auberge des Cinq Sauts, qu'elle tient avec son enfant pré-pubère, Tupo. Le jour où commence cette histoire, trois navettes arrivent, dont le séjour devrait être court. Malheureusement, la mise à jour des satellites de communication en orbite se passe très mal, et les voyageurs vont devoir rester sur Gora plus longtemps que prévu.

Cela ne fait pas l'affaire de Roveg, le Quélin exilé, qui a un rendez-vous capital à l'autre bout de la galaxie, avec des gens qui n'admettront pas son retard. Comme il n'a pas le choix, toutefois, il prend le temps de s'intéresser à ses co-"naufragés", et à la laru qui se met en quatre pour que chaque représentant des différentes espèces extraterrestres se sente à l'aise et bienvenu. Il réalise rapidement que, par exemple, il n'a jamais rencontré d'Akarak, et qu'il ne connaît rien à cette espèce.

Haut-Parleuse, comme tous les Akaraks, ne peut sortir de sa navette sans son scaphandre, du fait que l'oxygène est un poison mortel pour elle, qui respire du méthane. Elle a bien conscience des préjugés à l'encontre de son espèce, et de l'ignorance généralisée en ce qui les concerne, aussi fait-elle bien attention à ne heurter personne. Si elle parle parfaitement le klip, la langue la plus répandue, elle n'a pas l'habitude qu'on cherche à connaître ses goûts, et Roveg, comme les larus, va la surprendre. Il n'empêche qu'être séparée de sa jumelle restée sur leur vaisseau, et avec qui la panne de communication l'empêche de communiquer, la ronge.

La capitaine Tem est en permission, en route pour retrouver Ashby. Leur liaison continue secrètement, et elle est mal à l'aise à ce propos : d'un côté, elle a bien conscience qu'avouer son amour pour un Humain passerait mal auprès des autres Aéluons, de son équipage et de ses clients. D'un autre côté, sa relation avec Ashby est solide, sérieuse, et la dissimuler ainsi lui pèse de plus en plus. Il lui a semblé jusqu'à présent impossible de décider quoi faire, mais un événement surprenant va l'obliger à se déterminer. En effet, pendant cette escale imprévue, elle entre en Scintillance. Cela signifie qu'elle porte un œuf, et qu'elle va devoir le faire féconder par un mâle de son espèce, qui pourra ensuite l'élever. Toutefois, cela l'obligera à renoncer à voir Ashby, étant donné le temps nécessaire pour se rendre à la crèche la plus proche, et celui qu'elle devra passer sur place.

Dans ce nouveau roman appartenant à l'univers des Voyageurs, on découvre une autre espèce alien, avec les Akaraks, et leur histoire. Quasiment toute l'histoire se déroule sur une planète, pendant ce qui est clairement un confinement imposé de l'extérieur, dont la durée est limitée mais qui aura néanmoins des conséquences à longue portée. Le thème central est celui du soin, de l'attention que l'on porte aux autres, que ces derniers soient semblables ou différents, et c'est ce qui caractérise les deux larus. Un autre thème, proche du premier, est celui de la parentalité, puisqu'il représente la question cruciale dans cette histoire pour tous les personnages sauf Haut-Parleuse.

Comme dans tous les romans de l'autrice, c'est l'ouverture à l'autre, au différent, et la question de comment cohabiter qui occupe la place prééminente. Tous ses personnages se parlent, et ne cessent pas de le faire, même dans les désaccords qui peuvent survenir. C'est cela qui caractérise la science-fiction de Chambers, cela et le fait que c'est remarquablement bien écrit, intelligent, sans prétendre donner de leçon à ses lecteurs et lectrices. C'est sans doute en cela qu'on peut la rapprocher d'Ursula K. Le Guin. Nul doute que cette dernière aurait aussi apprécié le parti pris de non-binarité de sa jeune consœur.

On peut aussi lire ce roman, comme les précédents, comme une évocation imaginative et réussie de différentes espèces d'aliens, remarquablement représentées, tant en termes de morphologie et de communication intra et inter-espèces, que de mœurs reproductives ou culinaires. [...]

En somme, cette série, couronnée par un Hugo en 2019, reste d'excellente facture, et ceux et celles qui en ont aimé les précédents opus se régaleront tout autant avec celui-ci.

Publié le 7 juillet 2023

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