Nicolas Verdan avec une excellente qualité de narration démontre que le roman policier n’est pas seulement le récit d’une enquête criminelle, le polar peut aussi être enquête sociale pour dénoncer la face noire de notre époque.

Le Mur grec - Le tour du monde en 80 ... polars
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Fin décembre 2010. Une enquête inhabituelle attend le grec Evangelos. A la frontière gréco-turque une tête a été découverte. Un cadavre sans corps, seulement la tête. La découverte a été faite près de la ville d’Orestiada, au nord-est de la Grèce. A cet endroit, sur à peine plus de douze kilomètres le fleuve Evros ne matérialise pas la frontière entre la Grèce et la Turquie. C’est une zone militaire très sensible, ce n’est donc pas la Police qui va enquêter, l'Agent Evangelos est membre du Service de renseignement du Ministère de la Protection du citoyen. Plus que les relations entre la Grèce et la Turquie, la crise migratoire inquiète le gouvernement grec à qui la Commission européenne reproche de ne pas faire son travail de blocage des migrants à l’extérieur des frontières de l’espace Schengen. C’est une patrouille finlandaise de Frontex, l’Agence européenne chargée de la surveillance des frontières, qui a découvert la tête sans corps.

Nicolas Verdan est journaliste ayant de solides attaches avec la Grèce. Dans ce roman il fait profiter le lecteur de ses investigations menées dans ce pays alors qu’il était frappé par une crise économique, financière et sociale terrible. Début des années 2010, cela date un peu mais mieux vaut tard que jamais pour découvrir et comprendre ce pays à la civilisation antique si éclatante. L’auteur passe en revue les épisodes récents de l’Histoire de ce pays ( les chapitres de ce récit sont d’ailleurs nommés épisodes ). Le lecteur n’est pas transporté dans le passé, le récit reste dans le présent et les souvenirs d’Evangelos, ses observations ou ses expériences illustrent la vie grecque. Et il en a vécu des évènements, la dictature des colonels bien sûr. Sa famille a fait partie des populations grecques déplacées en 1922 de Turquie vers la Grèce, là où au 21ème siècle les migrants affluents.

L’enquête d’Evangelos prend vite une tournure inattendue, la tête a été découverte près d’un hangar que personne n’a remarqué où que personne ne veut voir. Un hangar sur lequel il est inscrit en lettres rose « Éros ». Ce hangar, c’est un bordel ! Un bordel ignoré par Frontex. Si on y ajoute, quitte à l’inventer, que la tête est celle du cadavre d’un migrant, l’occasion est trop belle pour démontrer l’inefficacité de Frontex. Le gouvernement grec va pouvoir légitimer la construction d’un mur de barbelés sur ces 12.5 kilomètres de frontière terrestre. Il pourra aussi bénéficier des euros de l’Europe si désireuse de régler la crise migratoire

Des euros, la Grèce n’en a plus, sauf peut-être dans les enveloppes qu’il faut donner, partout, même à l’hôpital. Les citoyens grecs sont dans la rue. La dette est abyssale, l’Allemagne a tant vendu à la Grèce. La corruption règne. Le crime organisé en profite, les réseaux de prostitution venus de Russie et d’Europe de l’Est constituent une véritable économie souterraine. Avec ce mur de barbelés, le gouvernement va pouvoir démontrer qu’il maîtrise tout, ou rien.

L’enquête sur ce cadavre sans corps n’intéresse personne, sauf Evangelos. Il s’obstine, interroge des prostituées et se retrouve sur les traces d’un homme d’affaires allemand en cavale dans la région d’Orestiada. Nicolas Verdan avec une excellente qualité de narration démontre que le roman policier n’est pas seulement le récit d’une enquête criminelle, le polar peut aussi être enquête sociale pour dénoncer la face noire de notre époque.

Publié le 16 mars 2023

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