Nous sommes en 2010, la date n'est pas choisie au hasard. La Grèce connait une crise financière sans précédent et se heurte à l'Allemagne qui lui maintient la tête sous l'eau. En même temps, elle subit une arrivée massive d'immigrants venant de Turquie : « Des Maghrébins et Africains de l'Ouest figurent désormais aux côtés des Afghans, Pakistanais ou Somaliens, attestant que cet itinéraire attire aussi ceux pour qui les frontières espagnoles et italiennes se sont fermées. » Le Point, octobre 2010 ; « Amenés d'Istanbul en camions, les candidats à l'exil étaient ensuite conduits par des chemins de traverse, vers la Grèce. Un trou dans le mur européen. Selon Frontex, au moins 34 000 clandestins sont ainsi entrés dans la zone de libre circulation de l'Union depuis début 2010. » Le Point, 23 décembre 2010.
L'auteur a choisi de nous placer dans ce contexte de crise gigantesque où l'on suit autant l'enquête policière que les effets de la crise. La frontière est symbolisée par un fleuve qu'il faut franchir et au bord duquel on veut construire un mur de barbelés.
L'Agence européenne de surveillance des frontières Frontex joue un rôle capital dans cette affaire, ici des Finlandais...
Bref, un polar avec policier en toute fin de carrière, un peu désabusé et un fond géopolitique très présent.
Connaissant bien l'équipe de Fondu au noir pour avoir partagé avec eux pas mal de festivals, ayant été séduit par les deux romans de Simone Buchholz édités par Fusion, j'avais demandé à Caroline de Benedetti de m'envoyer en SP un roman Fusion de la rentrée dans lequel elle croyait. C'est celui-ci qu'elle m'a envoyé.
Je n'ai pas été déçu.
La semaine dernière, j'ai lu dans un de mes journaux un article consacré à Frontex, intitulé : « Frontex et ses scandales, honte à l'union européenne » apportant la preuve de complicité de refoulements illégaux en Grèce, selon un rapport accablant de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf) sur ses pratiques internes, poussant le directeur exécutif à la démission... mais surtout dénonçant la collaboration européenne avec la Lybie, vers laquelle les migrants sont détournés pour être réduits en esclavage. Et ce, douze ans après l'action de ce roman...
Vous me direz qu'on attend autre chose du polar que de la dénonciation politique. Peut-être mais souvenez-vous qu'Hammett, Chandler dénonçaient la corruption, que, plus près de nous, Daeninckx nous a révélé, entre autres, les exactions de la police française le 17 octobre 1961... et la liste serait longue.
Alors oui, merci à Nicolas Verdan de nous rappeler que les immigrants ont le droit d'être traités avec plus de dignité.
Boris Lamot