Les Chroniques de l'Imaginaire
Enfin la nuit est le premier roman d'un jeune homme de vingt ans, qui a choisi de nous entrainer dans un récit post-apocalyptique.
 
Le bouleversement s'est produit une nuit : le ciel s'est embrasé, est devenu jaune orangé, et la nuit n'est plus jamais retombée. Les populations le savaient, tout le monde s'était préparé à ce bouleversement, que nous suivons avec Etienne. Etienne qui rencontre Sophie cette nuit là. Mais malgré sa force apparente Sophie a peur, et se donne la mort devant Etienne quelques heures plus tard.
 
La question qui se pose au cours de la lecture est : pourquoi ? Pourquoi cet embrasement ? Pourquoi n'y a-t-il plus de nuit ? Pas de réponse. Pourquoi l'espèce humaine s'éteint-elle ? Pourquoi les supermarchés sont-ils laissés à l'abandon ? L'absence de nuit ne semble pas justifier que les villes soient désertées, qu'on ne rencontre pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde. Pourquoi les humains ne se sont-ils pas adaptés ? Pas de réponse.
Et au final peu importe, car la qualité du récit de Camille Leboulanger nous fait oublier ces interrogations. Nous suivons principalement un personnage, Thomas. Thomas était un policier. Sa femme est partie dès l'apparition du phénomène. Seul, il se met en route vers une destination qu'il ne connait pas. Il rencontre une adolescente, Sophie, qui attend désespérément de capter une station de radio ou un réseau téléphonique. Elle part avec lui et leur aventure les mènera jusqu'à une gare, apparemment l'eldorado du pélerin de ce monde condamné au jour éternel. Mais Thomas n'est pas un homme chanceux, et le malheur s'accroche fermement à lui.
 
L'histoire et les descriptions des paysages, sableux, secs, désertiques, rappellent beaucoup le roman La route de Cormac Mc Carthy, et le parallèle entre les deux récits est quasiment inévitable. Pourtant le style de Camille Leboulanger est clairement différent. Il allie une écriture soignée, visuelle, à un langage parlé, mais sans vulgarité. Les changements de point de vue sont le point fort de cet ouvrage : les chapitres alternent entre Thomas et Etienne, et un narrateur omniscient vient commenter ce que ces personnages ne sauront jamais. Les évènements se recoupent, et on les perçoit différemment selon l'angle sous lequel ils sont racontés. Les personnages sont attachants, car ils sont perdus, se rattachent à des petites choses, et leurs émotions sont très bien transcrites. Il est surprenant de voir que l'auteur n'hésite pas à en sacrifier quand il faut, quitte à choquer le lecteur qui ne s'y attend pas, mais après tout, c'est en cohérence avec l'univers dépeint. C'est cette qualité d'écriture qui permet au lecteur d'apprécier ce roman tel qu'il nous est proposé, et tant pis pour les interrogations qui restent sans réponse.
 
Natiora
Publié le 26 septembre 2011

à propos de la même œuvre