Fakhouri -Le Clairvoyage - nooSFere
« Tu as des yeux sans fonds, Clara ! Tu as les plus beaux yeux que j'aie jamais vus. Ma marraine appelle ça les 'yeux sans aventures'. Ce sont des yeux très rares. Ce sont des yeux de clairvoyage.
- Clairvoyance, rectifia Clara malgré elle. Le bon mot est clairvoyance.
- Clairvoyage... Tu as des yeux prêts à observer les plus belles légendes. » (p.169)
A la mort de ses parents, la petite Clara se découvre une famille d'excentriques qui évoluent au milieu de fées et de fantômes...
Inutile de résumer davantage l'étonnant parcours de Clara : vouloir en décrire les étranges rencontres et les insolites péripéties serait un exercice vain, bien incapable de rendre justice à ce merveilleux récit et à l'émotion qu'il suscite. Autant résumer Alice au pays des merveilles par « une petite fille fait un rêve bizarre » plutôt que d'essayer d'en expliquer l'intérêt à quiconque ne connaîtrait pas cette œuvre.
Ajoutons une référence au
Songe d'une nuit d'été
de Shakespeare, en raison de certains des protagonistes - la reine
Titania, ou Puck, peu joyeux ici puisqu'il apparaît d'abord sous leSi l'on évoque d'emblée le conte cultissime de
Lewis Carroll, il ne s'agit pas d'un hasard. Sans que les deux
histoires aient de réelles ressemblances, le récit d'Anne Fakhouri
réussit comme Alice à maintenir sans chuter le difficile équilibre
entre nonsense et raison, entre absurde et logique, entre onirisme et
réalisme. Chaque chapitre oscille ainsi entre fantaisie, drame, farce
et mystère, sans jamais perdre le lecteur dans cet univers fantasque où
Clara sert de guide et de fil conducteur. Rares sont les récits de ce
type qui ne basculent pas vers une lourde et ennuyeuse confusion et il
faut donc insister sur le talent de l'auteur qui en fait au contraire
un conte initiatique lumineux, aussi joli et espiègle que
l'illustration de Sarah Debove.
Ajoutons une référence au Songe d'une nuit d'été
de Shakespeare, en raison de certains des protagonistes - la reine
Titania, ou Puck, peu joyeux ici puisqu'il apparaît d'abord sous les
traits d'un maléfique corbeau - , ainsi qu'en raison de la grâce
magique de ce récit malicieux et virevoltant, empreint de poésie.
La saveur de ce Clairvoyage
est telle qu'on aimerait en lire à voix haute chaque épisode face à un
public enfantin : nul doute qu'on capterait immédiatement leur
attention et qu'on susciterait des discussions passionnées, car chacune
des aventures de Clara - en vrac la poup ée qui parle, le service à thé
qui s'ouvre vers une autre dimension, les tableaux qui réveillent les
scènes du passé, la banshie, la sirène... - laisse la voie libre à
l'imagination et à diverses interprétations. Cette richesse potentielle
et une relative complexité promettent de fécondes relectures, à l'image
de l'inépuisable Alice.
Il faudra attendre un second tome, La Brume des jours,
pour connaître le dénouement. Mais d'ores et déjà nous pouvons affirmer
tenir là un roman d'exception qui devrait figurer un jour parmi les
classiques de la fantasy jeunesse.
Pascal PATOZ, nooSFere, 9 novembre 2008
Publié le 12 novembre 2008