Faunes est un court roman de l’autrice québécoise Christiane Vadnais publié chez Alto en 2018. Multiprimé outre Atlantique, notamment Prix de création littéraire de la ville de Québec et Prix des Horizons imaginaires, il bénéficie d’une réédition le 16 mars prochain aux Éditions L’Atalante dans la collection La Dentelle du cygne. Repéré dans les sorties du mois de mars pour sa sublime couverture de Martin Wittfooth et pour le mystère qu’il dégage, j’ai eu la chance de le lire en avant-première et voici ce que j’en ai pensé…
Difficile de résumer Faunes et de bien en parler tant c’est un livre atypique et difficilement descriptible. Court roman de 128 pages, c’est un texte composé de mini-récits, comme des nouvelles indépendantes mais liées telle une constellation, entre lieux similaires et personnages récurrents, parfois centraux, parfois juste en décor de fond. Au cœur de tout ses textes se dessinent une histoire globale, qui parle d’un parasite présent dans l’eau, qui servira de fil rouge discret et pourtant central, dessinant une intrigue. Il faut donc laisser de côté ses habitudes de lecture quand on se plonge dans Faunes. Il faut accepter de franchir nous-mêmes les brumes de Shivering Heights et de se laisser errer dans les mots de Christiane Vadnais quitte à y perdre (ou y gagner?) des plumes. Faunes est un récit hybride, dérangeant mais aussi envoûtant grâce à la poésie de la plume de l’autrice.
En fil rouge, en sus de celui des parasites, Faunes parle de la volonté humaine de détruire le vivant, d’asservir la nature, de l’enfermer et de la dominer. Mais à l’heure où la brume rend floue les frontières du réel et de l’imaginaire, de la nature et de l’homme, l’autrice souligne la porosité de la frontière humanité/animalité et souvent synonyme ici de monstruosité. Ce sont des récits parfois terribles, voir même glauques pour certains, où la nature prend sa place, brise les murs et où l’humanité démontre ses pires travers comme, plus rarement, ses élans de force et/ou d’amour. Récit fiévreux et fascinant, Faunes arrive à maintenir un envoûtement certain, comme une séduction avant l’empoisonnement. J’avoue avoir eu parfois du mal à raccrocher les fils, à m’être sentie ballotée dans les flots mais j’en ressors tout de même impressionnée par la richesse de la plume et l’intensité de ces micro-récits en constellation.
En bref, Faunes est un court roman composé de micro-récits liés les uns aux autres par des personnages récurrents mais aussi un fil rouge d’intrigue et une thématique globale où les frontières humanité/nature sont de plus en plus floues. À la fois fascinant et dérangeant, Faunes perturbe nos habitudes de lecture et impressionne par la qualité de l’écriture. Il demande cependant d’accepter d’errer un peu dans la brume.