Faunes réactive un rêve, celui d'un écosystème global dont toutes les composantes sont à embrasser.

Faunes - Galaxie n°83

Faunes avait fait l'objet en 2018 d'une première édition chez un éditeur québécois plutôt méconnu en nos contrées. Sa reprise à l'identique par L'Atalante lui apporte un écho nettement plus large, ce dont on ne peut que se réjouir. Faunes est structuré en plusieurs courts récits, dont la plupart mettent en scène un même personnage, Laura, une jeune femme étudiante en biologie. Ce qui frappe d'emblée, c'est la beauté de la prose de Christiane Vadnais, son écriture aux mille éclats, en totals harmonie avec la nature qu'elle sait décrire avec empathie et délicatesse. [...]
Faunes déploie un fantastique poétique aux forts accents oniriques. Les lieux dans lesquels se déroulent les multiples saynètes sont flous, comme brouillés par la pluie, tant l'élément liquide est central. Il inonde progressivement le complexe de spa où Agnès, responsable en ressources humaines, lessivée par sa tâche bien peu humaine, pensait faire relâche ; là où elle rencontre une créature à cheval entre humanité et féerie. L'eau, toujours, est vitale à cette communauté bâtie sur un lac, embarcations nouées par des liens en apparence fragiles, celle dont fait partie Thomas, amoureux fou de Laura (belle scène de fusion charnelle sous l'eau). Sous forme de neige, elle contraint Laura à accoucher dans son laboratoire, nichée dans un aquarium, un moment qui voit les frontières entre les différents règnes animaux s'estomper, le poisson inconnu que Laura examine et l'être inconnu qu'elle va expulser de sa matrice. Ce faisant, ce sont les frontières qui disparaissent : l'humain préhistorique, ses peurs et ses fascinations, et toujours ancré en nous ; les contes se mêlent au réél, les histoires composent l'Histoire : animaux comme sapiens sont poussés à évoluer, s'adapter, muter, bousculés par les bouleversements climatiques (fascinante vision de ces plumes émergeant de la peau des survivants) ; la nature, d'abord rejetée aux marges, finit par se confondre avec notre espèce, sentiente parmi d'autres, forme littéraire d'écocentrisme.
Ce n'est pas un hasard si chaque titre de nouvelle est proposé en latin, langue faussement morte. Et c'est ainsi que Faunes réactive un rêve, celui d'un écosystème global dont toutes les composantes sont à embrasser.

Jean-Guillaume  Lanuque

Publié le 25 juillet 2023

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