La créativité et le talent délirant de l'auteur, comme son habileté à se sortir d'intrigues compliquées – La Balle de néant offre ainsi une nouvelle version d'énigme en chambre close –, font de Roland Wagner l'égal de ses maîtres en "mystères" : un de nos grands auteurs de littérature populaire.

Les futus mystères de Paris - Francis Mizio

La sortie en 1996 de La Balle de Néant, premier tome réédité chez l'Atalante, du (futur) cycle des Futurs mystères de Paris (en références à Eugène Sue, Léo Malet et Frédéric Dard) fut une des heureuses surprises d'alors dans un paysage SF francophone assez atone. Préfigurant une mode du polar-sf qui bat actuellement son plein, Roland Wagner crée, avec le personnage de Tem, une figure de private eye unique au monde puisque affublé d'un handicapant "talent" de "transparence". À elle seule, cette idée est un trait de génie comique et littéraire et une contrainte étonnante en termes de menée du récit policier car elle implique de mobiliser un brio parfois quasiment oulipien. La réédition à l'Atalante de ce premier tome (et des suivants ainsi que d'un tout nouveau intitulé Babaluma) de ce qui est devenu un cycle majeur dans l'œuvre du prolifique Roland Wagner (répartie à l'heure où ces lignes sont écrites en onze nouvelles et novellas et sept romans) est une heureuse nouvelle à bien des égards : d'abord l'iconographie de couverture, comme à l'ordinaire chez L'Atalante, superbe, nous offre une représentation de Tem dans son habit de couleur, bien plus belle que sur celle de l'édition originale au Fleuve Noir (à garder tout de même en collector). Ensuite c'est une occasion de découvrir ou de redécouvrir l'univers si foisonnant qu'il ne peut être décrit en quelques lignes et totalement stupéfiant, tant à cause de la "psychosphère" que des marottes – drogues, rock – de cet auteur qui se nomma jadis Red Deff, dans lesquels Tem évolue. Notons que quelque part (on ne dira pas où) dans le cycle se trouve – c'est aux fans de la première heure que je m'adresse – l'explication de la fameuse et intrigante "rande terreur primitive". Le cycle des "Futurs Mystères" a été gratifié d'un Grand Prix de l'Imaginaire en 1999 : remarquons que c'est injuste, car insuffisant. La créativité et le talent délirant de l'auteur, comme son habileté à se sortir d'intrigues compliquées – La Balle de néant offre ainsi une nouvelle version d'énigme en chambre close –, font de Roland Wagner l'égal de ses maîtres en "mystères" : un de nos grands auteurs de littérature populaire.

Francis Mizio

Publié le 7 février 2008

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