Il suscite donc à juste titre les plus profondes loyautés chez les personnages secondaires, et la plus grande sympathie chez le lecteur : du coup, on est loin de la déconstruction des figures héroïques typique de la light fantasy.

Coup de tabac - Actusf

La lecture idéale pour les fêtes et leur « trêve des confiseurs », c’était bien sûr le dernier Terry Pratchett, Coup de tabac, pour le plaisir intact de retrouver le Disque-monde. Cet opus est intégralement consacré à une enquête de Sam Vimaire, qui présente la particularité de l’emmener loin de son environnement habituel, le Guet d’Ankh-Morpork. Le commissaire se retrouve en effet en vacances familiales à la campagne, contraint et forcé par sa délicieuse épouse, et ça n’est pas sans le déboussoler. Il va retrouver ses marques en se lançant sur la piste de crimes longtemps passés sous silence. Une inoffensive contrebande de tabac dissimule en effet des déportations et meurtres de gobelins, couverts par une justice locale dévoyée.

Au fil de cette intrigue policière, on sourit souvent – à telle apparition d’une jeune Jane Austen alternative, à telles notations sur la vie de couple, sur l’angoisse de l’homme des villes face à la vie exotique des provinces, sur les mœurs méconnues des gobelins. Savoureux également, le personnage de la romancière pour enfants, auteur du Monde de Caca et à l’origine d’une vocation précoce chez Sam Junior, 6 ans. Mais c’est là le plus subversif du roman, que j’ai trouvé assez peu corrosif, et à vrai dire plutôt bien-pensant.

Le Pratchett satiriste des débuts, à la parodie piquante, s’est peu à peu effacé, et disparaît ici derrière une défense, en soi très légitime, des droits des peuples les plus marginalisés (les gobelins, voleurs pouilleux mais sublimes artistes, sont les Roms du Disque-monde !), et surtout, derrière un héroïsme plein et entier – Sam Vimaire est vraiment un type formidable, auquel on ne peut guère trouver le moindre défaut. Il suscite donc à juste titre les plus profondes loyautés chez les personnages secondaires, et la plus grande sympathie chez le lecteur : du coup, on est loin de la déconstruction des figures héroïques typique de la light fantasy.

Anne Besson

Publié le 28 janvier 2013

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