Cette fille, qui navigue sur son skate telle une abeille qui butine, n’a rien à faire ici et nous aurions presque envie de le lui crier. Mais, au final, tu la laisses faire et tu aurais presque envie de lui dire … Respect.

Un conte parisien violent - Univers polars
Article Original

Après « Le club des mamans mortes », de Paul Hurlink - à lire ! -, le hasard de mes lectures me pousse une fois de plus vers le cercle de l’adolescence, avec ses angoisses, sa brutalité, ses incompréhensions et ses souffrances.

Le style de ce bouquin est inclassable. Nous abordons cette histoire comme un conte, une sorte de fable sombre et sournoise d’où jaillit finalement une réalité brute, malsaine et riche à la fois.

Salomé, 14 ans, skateuse anarchiste, s’est appropriée la place Stalingrad, à Paris, à tel point que Paris, pour elle, c’est la Place Stalingrad, et rien d’autre. Ce haut lieu du trafic de crack, entre autres immondices et loques humaines, va peut-être à son tour absorber notre gamine pour ne plus la relâcher. C’est limite fusionnelle.

Une mère accumulant des absences inquiétantes, la présence d’un père aussi furtive qu’un courant d’air, niveau famille, ça craint un peu. Ce n’est pas vraiment la communication et l’amour qui la définirait le mieux. Notre héroïne, un peu paumée, ira forcément chercher ailleurs. Plus une enfant, mais pas encore vraiment une femme, Salomé, naïve et effrontée, va certainement vous toucher.

L’auteur, que je découvre, enchaîne de courts chapitres - même pas deux pages ! -, ce qui donne une surprenante dynamique. Du coup, lorsque tu te dis allez, encore juste un chapitre, tu ne prends pas un gros risque lié à ton temps ! Mais, au final, tu les enchaînes tous d’une traite et tu te retrouves derrière le point final presque surpris d’y être déjà.

L’écriture est cash, directe, légère et pleine de sens à la fois. L’auteur, en fait, nous lâche des tranches de vie à la gueule, des moments parfois drôles, touchants et émouvants, souvent douloureux, violents et regrettables, mais aussi, finalement, assez désespérants.

La jeune fille que nous ne lâchons plus vit dans un microcosme toxique, dangereux, et ne manque pas d’y ajouter pas mal de témérité. Ce manque de prudence, c’est clair, est une manière pour elle de se sentir exister. Cette fille, qui navigue sur son skate telle une abeille qui butine, n’a rien à faire ici et nous aurions presque envie de le lui crier. Mais, au final, tu la laisses faire et tu aurais presque envie de lui dire … Respect.

L’auteur met en scène des personnages souffrant de solitude, qui s’emmerdent et se détruisent, tout en vivant au ralenti un continuel recommencement. L’auteur nous fait très bien ressentir la présence de cette barrière invisible qui sépare deux mondes en décalage total !

C’est à lire. 

Publié le 9 mai 2023

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