Les maîtres de la lumière ! Le fait seulement de prendre le volume dans ses mains et de voir inscrit un titre qui n'en fini pas de nous fasciner est déjà un facteur de bonne augure. De contempler en outre la magnifique couverture où un homme est en proie à une traque terrible, acculé derrière un arbre entre un curieux engin volant et une bande de chasseurs aux yeux de braises et brandissant une rame singulière, le ton est définitivement donné. On devine dans l'habile jeux d'ombres, traversé d'une spectrale lumière verdâtre, le visage de l'homme surmonté d'un casque dont on soupçonne les propriétés fantastiques....Une image qui en dit long et les vieux lecteurs que nous sommes, commencent déjà à sentir les prémices d'une aventure qui fleure bon un certain parfum d'antan. En reprenant le personnage de cette magnifique nouvelle, Serge Lehman contribue avec cette BD superbement illustrée par Gess, à une suite logique et attendue des terribles événements dont Jean Lebris fut la malheureuse victime. Cette idée de prolonger ainsi son incroyable aventure est tout à fait justifiée, non seulement pour donner plus de corps et étoffer ainsi l'univers de la « Superscience » et continuer l'édification des origines des supers-héros Français, mais permet en outre de développer certaines idées et hypothèses à peine esquissées par Maurice Renard et révélées ici pour notre plus grand plaisir. Sorte de « Cyclope rétro » avec son curieux appareillage de vision, donnant une dimension fort spectaculaire à cet « homme truqué », cette idée de changer l'appareillage de vision est assez bien trouvé, lui permettant de se détacher du commun des mortels, de l'identifier plus facilement et surtout de le distinguer d'un autre personnage de « L'hypertmonde », le Nyctalope. Affublé lui aussi d'une vision nocturne hors du commun, gardien bienveillant d'un Paris sous la menace perpétuelle d'événements étranges, il sait que cet homme peut se révéler un allié utile dont il faudra désormais accepter les extraordinaires propriétés. Nous prenons ainsi pleinement conscience de cet univers dont il va falloir se familiariser, peuplé d'aussi singuliers mutants Cette merveilleuse femme de science, directrice de l'institut du radium et forte de ses expériences pendant ces dures années de guerre, se prépare à un tournant décisif de l'histoire. Tous savent que ce conflit a généré certaines abominations et qu'un combat de longue haleine commence à prendre forme. La science et son inexorable apogée est sur le point d'avorter de certaines anomalies qu'il faudra bien affronter. De fait l'univers que nous propose les deux co-auteurs, est-il un savant mélange de celui si riche et si complexe du « merveilleux scientifique » où des éléments épars de cette littérature vont se croiser dans une logique sans faille et faisant appel à des références qui ne pourront que séduire l'amateur du genre. L'intervention à la fin du volume de la fameuse « Brigade chimérique » est un puissant rappel à cet univers déjà mis en place lors de la création de cette unité d'un genre spécial : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté...Mais pas aux araignées ! » S'exclame un des membres avant de passer à l'action ! Dans un Paris qui vibre d'une effervescence toute nouvelle, Maurice Renard en personne se fera le rapporteur des étranges événements qui vont se succéder à une vitesse folle, le témoin et un membre actif de son propre univers qu'il à créé dans ses fictions et prenant forme ici de la manière la plus inattendue : la boucle est bouclée ! Comme pour vouloir donner plus de corps et de cohérence à ce récit le cliché de fin, réalisé par le tout jeune Brassaï est d'une grande beauté et laisse présager une suite aux accents retentissants Cette histoire est traversée de fulgurance visuelle et scénaristique d'une pertinence qui font plaisir à savourer, ainsi ce rappel à un autre grand roman de Maurice Renard « Le péril bleu » venant s'articuler sur un passage du texte d'origine de « L'homme truqué » : « Qui prouve que l'accoutumance des appareils fabriqués par Prosope n'a pas permis à Jean Lebris de distinguer plus avant, et de découvrir un monde clandestin, un peuple exclusivement formé d'électricité constitué par un fluide si subtil que nos détecteurs les plus impressionnables n'en sont pas influencés ? Un homme, enfin, a-t-il pu entrevoir l'une de ces rares invisibles dont il est philosophique de dire qu'elles nous environnent ? Et cette race use-t-elle à son gré de l'humanité sans que l'humanité s'en doute ? » Autant de questions, lourdes de conséquences et qui trouvent écho dans cet album, permettant de rebondir sur la thématique de l'invasion extraterrestre dans un final extraordinaire à la hauteur d'une intrique vous tenant en haleine de bout en bout. Et le lecteur ne peut cacher son plaisir face aux nombreuses références qui jalonnent le récit, telle cette rencontre avec Ronsy Ainé, prétexte à un échange des plus savoureux, cette colonne Morris qui affiche une projection du film de Feuillade « Les vampires », cet éditeur Américain qui sur la terrasse d'un café assiste médusé à la destruction du grand palais par les « Sarvants » et trouvant matière à une future histoire (un auteur de Pulp's puisant son inspiration dans « l'Hypermonde »....quelle ironie !) ou cette succulente allusion du Nyctalope au sujet de son biographe : « Soyez indulgent, Lebris. Tous les feuilletonistes font ainsi, si vous connaissiez celui qui raconte mes aventures ! » Les allusions ne manquent pas, étoffant un univers riche et généreux. Visuellement l'ouvrage s'avère très réussi et certaines séquences sont tout simplement époustouflantes. La capture de nuit de « L'homme truqué » par Marie Curie et le Nyctalope sont des temps forts de l'album, tout comme la découverte des « Sarvants » construisant un aéronef dans les entrailles du grand palais ( on se remémore un cas similaire dans la nouvelle de Campbell « Who goes there ? ») et le flash-back expliquant au lecteur le terrible épisode du « Péril bleu », baignant volontairement dans un halo bleuté où toutes choses revêtent un aspect vaporeux et irréel. Le dessin est d'un réalisme surprenant, les couleurs bien nuancées, nous nous retrouvons face à un Gess au style plus abouti, et lorsque j'ai relu la nouvelle de Maurice Renard avant de me plonger dans la BD, malgré les descriptions méticuleuses de l'auteur concernant les « visons » de Lebris, j'étais comme peu frustré, car il me manquait quelque chose. Ce « Petit rien » je l'ai trouvé dans la visualisation de l'artiste, lorsqu'il dessine la vision de l'homme truqué. Le rendu est absolument magique et vous immerge complètement dans l'appareil spectrographique du surprenant personnage. Truqué ! Je salue ici le merveilleux écrivain qui parvint à trouver un titre si bien approprié car ce mot est l'expression même de quelque chose que l'on transforme pour détourner de sa fonction première, un artifice permettant de modifier de faire croire que.... Dans le cas du personnage de Maurice Renard, il fut effectivement « modifié » et s'il fut « truqué », ce n'est pas pour son intérêt personnel, ni pour lui apporter quelques réconforts, mais pour le bien d'une science impitoyable qui se moque éperdument des états d'âmes de ses victimes. Toute la force et la dramaturgie de cette longue nouvelle réside dans la violence du propos (toutes les personnes impliquées meurent), la fait que la victime reste dans l'interrogation du Qui ? Pourquoi ? Comment ?, mais aussi le fait qu'elle est l'instrument d'une puissance occulte se jouant de sa vie et n'éprouvant guerre plus d'empathie que pour une souris de laboratoire : Etrange destinée que celle de ce personnage hors du commun,dont le regard pénétrant aurait pu bien changer de choses. Mais le propre regard de l'auteur posé sur la science, sa conscience et son profond humanisme en décida tout autrement. Le fait d'avoir prolongé le destin de ce « Super Héros » est la preuve supplémentaire que notre imaginaire ancien est un vivier inépuisable, riche d'un potentiel insoupçonné, qui ne demande qu'à ouvrir grand ses bras à des auteurs et illustrateurs suffisamment talentueux pour ranimer et entretenir cette puissante flamme de ce « merveilleux scientifique ». C'est ainsi que naissent les légendes et c'est ainsi que l'univers de « L'Hypermonde » est en passe de devenir une référence du genre !

Lehman, Gess - L'Homme truqué - Merveilleux scientifique

Les maîtres de la lumière !

Le fait seulement de prendre le volume dans ses mains et de voir inscrit un titre qui n'en fini pas de nous fasciner est déjà un facteur de bonne augure. De contempler en outre la magnifique couverture où un homme est en proie à une traque terrible, acculé derrière un arbre entre un curieux engin volant et une bande de chasseurs aux yeux de braises et brandissant une rame singulière, le ton est définitivement donné. On devine dans l'habile jeux d'ombres, traversé d'une spectrale lumière verdâtre, le visage de l'homme surmonté d'un casque dont on soupçonne les propriétés fantastiques....Une image qui en dit long et les vieux lecteurs que nous sommes, commencent déjà à sentir les prémices d'une aventure qui fleure bon un certain parfum d'antan.

En reprenant le personnage de cette magnifique nouvelle, Serge Lehman contribue avec cette BD superbement illustrée par Gess, à une suite logique et attendue des terribles événements dont Jean Lebris fut la malheureuse victime. Cette idée de prolonger ainsi son incroyable aventure est tout à fait justifiée, non seulement pour donner plus de corps et étoffer ainsi l'univers de la « Superscience » et continuer l'édification des origines des supers-héros Français, mais permet en outre de développer certaines idées et hypothèses à peine esquissées par Maurice Renard et révélées ici pour notre plus grand plaisir.

Sorte de « Cyclope rétro » avec son curieux appareillage de vision, donnant une dimension fort spectaculaire à cet « homme truqué », cette idée de changer l'appareillage de vision est assez bien trouvé, lui permettant de se détacher du commun des mortels, de l'identifier plus facilement et surtout de le distinguer d'un autre personnage de « L'hypertmonde », le Nyctalope. Affublé lui aussi d'une vision nocturne hors du commun, gardien bienveillant d'un Paris sous la menace perpétuelle d'événements étranges, il sait que cet homme peut se révéler un allié utile dont il faudra désormais accepter les extraordinaires propriétés.

Nous prenons ainsi pleinement conscience de cet univers dont il va falloir se familiariser, peuplé d'aussi singuliers mutants Cette merveilleuse femme de science, directrice de l'institut du radium et forte de ses expériences pendant ces dures années de guerre, se prépare à un tournant décisif de l'histoire. Tous savent que ce conflit a généré certaines abominations et qu'un combat de longue haleine commence à prendre forme. La science et son inexorable apogée est sur le point d'avorter de certaines anomalies qu'il faudra bien affronter.

De fait l'univers que nous propose les deux co-auteurs, est-il un savant mélange de celui si riche et si complexe du « merveilleux scientifique » où des éléments épars de cette littérature vont se croiser dans une logique sans faille et faisant appel à des références qui ne pourront que séduire l'amateur du genre. L'intervention à la fin du volume de la fameuse « Brigade chimérique » est un puissant rappel à cet univers déjà mis en place lors de la création de cette unité d'un genre spécial :

« Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté...Mais pas aux araignées ! » S'exclame un des membres avant de passer à l'action !

Dans un Paris qui vibre d'une effervescence toute nouvelle, Maurice Renard en personne se fera le rapporteur des étranges événements qui vont se succéder à une vitesse folle, le témoin et un membre actif de son propre univers qu'il à créé dans ses fictions et prenant forme ici de la manière la plus inattendue : la boucle est bouclée !

Comme pour vouloir donner plus de corps et de cohérence à ce récit le cliché de fin, réalisé par le tout jeune Brassaï est d'une grande beauté et laisse présager une suite aux accents retentissants Cette histoire est traversée de fulgurance visuelle et scénaristique d'une pertinence qui font plaisir à savourer, ainsi ce rappel à un autre grand roman de Maurice Renard « Le péril bleu » venant s'articuler sur un passage du texte d'origine de « L'homme truqué » :

« Qui prouve que l'accoutumance des appareils fabriqués par Prosope n'a pas permis à Jean Lebris de distinguer plus avant, et de découvrir un monde clandestin, un peuple exclusivement formé d'électricité constitué par un fluide si subtil que nos détecteurs les plus impressionnables n'en sont pas influencés ? Un homme, enfin, a-t-il pu entrevoir l'une de ces rares invisibles dont il est philosophique de dire qu'elles nous environnent ? Et cette race use-t-elle à son gré de l'humanité sans que l'humanité s'en doute ? »

Autant de questions, lourdes de conséquences et qui trouvent écho dans cet album, permettant de rebondir sur la thématique de l'invasion extraterrestre dans un final extraordinaire à la hauteur d'une intrique vous tenant en haleine de bout en bout. Et le lecteur ne peut cacher son plaisir face aux nombreuses références qui jalonnent le récit, telle cette rencontre avec Ronsy Ainé, prétexte à un échange des plus savoureux, cette colonne Morris qui affiche une projection du film de Feuillade « Les vampires », cet éditeur Américain qui sur la terrasse d'un café assiste médusé à la destruction du grand palais par les « Sarvants » et trouvant matière à une future histoire (un auteur de Pulp's puisant son inspiration dans « l'Hypermonde »....quelle ironie !) ou cette succulente allusion du Nyctalope au sujet de son biographe :

« Soyez indulgent, Lebris. Tous les feuilletonistes font ainsi, si vous connaissiez celui qui raconte mes aventures ! »

Les allusions ne manquent pas, étoffant un univers riche et généreux. Visuellement l'ouvrage s'avère très réussi et certaines séquences sont tout simplement époustouflantes. La capture de nuit de « L'homme truqué » par Marie Curie et le Nyctalope sont des temps forts de l'album, tout comme la découverte des « Sarvants » construisant un aéronef dans les entrailles du grand palais ( on se remémore un cas similaire dans la nouvelle de Campbell « Who goes there ? ») et le flash-back expliquant au lecteur le terrible épisode du « Péril bleu », baignant volontairement dans un halo bleuté où toutes choses revêtent un aspect vaporeux et irréel.

Le dessin est d'un réalisme surprenant, les couleurs bien nuancées, nous nous retrouvons face à un Gess au style plus abouti, et lorsque j'ai relu la nouvelle de Maurice Renard avant de me plonger dans la BD, malgré les descriptions méticuleuses de l'auteur concernant les « visons » de Lebris, j'étais comme peu frustré, car il me manquait quelque chose. Ce « Petit rien » je l'ai trouvé dans la visualisation de l'artiste, lorsqu'il dessine la vision de l'homme truqué. Le rendu est absolument magique et vous immerge complètement dans l'appareil spectrographique du surprenant personnage.

Truqué ! Je salue ici le merveilleux écrivain qui parvint à trouver un titre si bien approprié car ce mot est l'expression même de quelque chose que l'on transforme pour détourner de sa fonction première, un artifice permettant de modifier de faire croire que....

Dans le cas du personnage de Maurice Renard, il fut effectivement « modifié » et s'il fut « truqué », ce n'est pas pour son intérêt personnel, ni pour lui apporter quelques réconforts, mais pour le bien d'une science impitoyable qui se moque éperdument des états d'âmes de ses victimes. Toute la force et la dramaturgie de cette longue nouvelle réside dans la violence du propos (toutes les personnes impliquées meurent), la fait que la victime reste dans l'interrogation du Qui ? Pourquoi ? Comment ?, mais aussi le fait qu'elle est l'instrument d'une puissance occulte se jouant de sa vie et n'éprouvant guerre plus d'empathie que pour une souris de laboratoire : Etrange destinée que celle de ce personnage hors du commun,dont le regard pénétrant aurait pu bien changer de choses. Mais le propre regard de l'auteur posé sur la science, sa conscience et son profond humanisme en décida tout autrement.

Le fait d'avoir prolongé le destin de ce « Super Héros » est la preuve supplémentaire que notre imaginaire ancien est un vivier inépuisable, riche d'un potentiel insoupçonné, qui ne demande qu'à ouvrir grand ses bras à des auteurs et illustrateurs suffisamment talentueux pour ranimer et entretenir cette puissante flamme de ce « merveilleux scientifique ».

C'est ainsi que naissent les légendes et c'est ainsi que l'univers de « L'Hypermonde » est en passe de devenir une référence du genre !

Publié le 3 avril 2013

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