Le 27 mai 1918, l’artillerie allemande pilonne les lignes françaises au chemin des Dames. Afin d’arrêter la percée des armées du Kaiser, le 146ème du capitaine Lebris monte défendre les ponts de l’Aisne. Un tir de shrapnell le laissera aveugle sur le champ de bataille. Six mois plus tard, un être étrange sème la terreur dans la banlieue nord de Paris. Lancés à ses trousses, Marie Curie et Léo Saint-Clair découvriront un Lebris métamorphosé, appareillé de curieuse manière. Sur sa tête, un harnachement métallique lui permet de voir à nouveau, mais en lieu et place des images qu’enregistrait sa rétine, son cerveau visualise désormais les champs électriques. À travers L’homme truqué, le scénariste de La Brigade chimérique reprend une thématique qui lui est chère : le super-héros, à l’européenne ! De fait, de ce coté ci de l’Atlantique, l’iconographie du surhomme n’a jamais vraiment émergé, laissant un boulevard éditorial à la cohorte d’hommes masqués et capés venus des États-Unis. Toutefois, et depuis peu, le Panthéon des demi-dieux hexagonaux s’orne de nouvelles figures. Faut-il y voir une prise de conscience tardive ou plus pragmatiquement une opportunité commerciale à saisir ? L’avenir le dira ! Quoiqu’il en soit, après Solé et son décalé autant que précurseur Super Dupont, Enrique Breccia (Les Sentinelles) ou Stéphane Créty (Masqué) voire Philippe Adamov (Dakota) tentent d’imposer des supermen (et women) made in France ! Faut-il s’en réjouir ? À la lecture de cette nouvelle publication de L'Atalante, la réponse est assurément oui. Serge Lehman joue sur plusieurs tableaux pour développer son univers. Tout d’abord, il pose la science comme la bienveillante source de tous les progrès et en fait, de facto, la condition sine qua non à l’apparition des principaux protagonistes de ce récit comme de ceux qui suivront. Parallèlement, en usant d’une narration empruntant tour à tour à la biographie, au récit ou au feuilleton, il décline son scénario en autant de registres qui lui donnent non seulement un rythme, mais également une visuelle et virtuelle légitimité en l’assimilant, dans sa mise en forme, aux parutions du début du siècle dernier. Dans cette même veine, le trait semi-réaliste de Gess, s’appuyant sur un design technologique rétro-futuriste, utilise à bon escient un encrage appuyé et une couleur essentielle à la compréhension de l’histoire puisqu’elle oscille entre la nuit la plus sombre - où Lebris et le Nyctalope sont confinés - et les couleurs d'un monde qu’eux seuls sont en capacité de percevoir. En parallèle des Brigade Chimérique, cet album évoque brillamment la part d’ombre et de lumière qui accompagne chaque super-héros ! S. Salin

Lehman, Gess - L'Homme truqué - BDGest'

Le 27 mai 1918, l’artillerie allemande pilonne les lignes françaises au chemin des Dames. Afin d’arrêter la percée des armées du Kaiser, le 146ème du capitaine Lebris monte défendre les ponts de l’Aisne. Un tir de shrapnell le laissera aveugle sur le champ de bataille. Six mois plus tard, un être étrange sème la terreur dans la banlieue nord de Paris. Lancés à ses trousses, Marie Curie et Léo Saint-Clair découvriront un Lebris métamorphosé, appareillé de curieuse manière. Sur sa tête, un harnachement métallique lui permet de voir à nouveau, mais en lieu et place des images qu’enregistrait sa rétine, son cerveau visualise désormais les champs électriques.

À travers L’homme truqué, le scénariste de La Brigade chimérique reprend une thématique qui lui est chère : le super-héros, à l’européenne ! De fait, de ce coté ci de l’Atlantique, l’iconographie du surhomme n’a jamais vraiment émergé, laissant un boulevard éditorial à la cohorte d’hommes masqués et capés venus des États-Unis. Toutefois, et depuis peu, le Panthéon des demi-dieux hexagonaux s’orne de nouvelles figures. Faut-il y voir une prise de conscience tardive ou plus pragmatiquement une opportunité commerciale à saisir ? L’avenir le dira ! Quoiqu’il en soit, après Solé et son décalé autant que précurseur Super Dupont, Enrique Breccia (Les Sentinelles) ou Stéphane Créty (Masqué) voire Philippe Adamov (Dakota) tentent d’imposer des supermen (et women) made in France ! Faut-il s’en réjouir ? À la lecture de cette nouvelle publication de L'Atalante, la réponse est assurément oui.

Serge Lehman joue sur plusieurs tableaux pour développer son univers. Tout d’abord, il pose la science comme la bienveillante source de tous les progrès et en fait, de facto, la condition sine qua non à l’apparition des principaux protagonistes de ce récit comme de ceux qui suivront. Parallèlement, en usant d’une narration empruntant tour à tour à la biographie, au récit ou au feuilleton, il décline son scénario en autant de registres qui lui donnent non seulement un rythme, mais également une visuelle et virtuelle légitimité en l’assimilant, dans sa mise en forme, aux parutions du début du siècle dernier. Dans cette même veine, le trait semi-réaliste de Gess, s’appuyant sur un design technologique rétro-futuriste, utilise à bon escient un encrage appuyé et une couleur essentielle à la compréhension de l’histoire puisqu’elle oscille entre la nuit la plus sombre - où Lebris et le Nyctalope sont confinés - et les couleurs d'un monde qu’eux seuls sont en capacité de percevoir.

En parallèle des Brigade Chimérique, cet album évoque brillamment la part d’ombre et de lumière qui accompagne chaque super-héros !

S. Salin

Publié le 5 avril 2013

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