Là où la réalité se confond avec le virtuel, là où les limites de l'humanité se mêlent au chiffre, Numérique est un roman formidable qui interroge notre rapport aux médias et au virtuel avec intelligence. Une vraie réussie qui nous rend accroc de la première pages jusqu'à sa fin scotchante et inoubliable.

Numérique - Les critiques de Yuyine
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Des attentes énormes et un sujet glissant...

J'attendais énormément de Numérique. J'y versais beaucoup d'espoir, d'envie, je voulais revivre le miracle de Vita Nostra, ce frisson que l'on ne ressent que devant les chef-d'oeuvres. J'avais donc à la fois très hâte de le lire mais tout aussi peur. Surtout que s'attaquer au domaine des jeux vidéos et présenter un héros addict présentait un risque de se casser la figure sacrément élevé! Nombreuses et nombreux s'y sont essayé et ont démontré leur côté boomer par excellence (coucou Damasio!). Et Marina et Sergeuï Diatchenko tombent aussi dans le piège.

> FAUX

Le détecteur de vérité ne s'y trompe pas! Le duo urkainien réussit haut la main et Numérique atteint largement les attentes que je pouvais faire peser sur ses pages. Et si la comparaison avec Vita Nostra est logique et inévitable, les deux romans présentant de nombreux parallèles, notamment sur l'aspect initiatique et sur la notion de métamorphose, Numérique se détache aussi du précédent roman en étant moins cryptique par bien des aspects et moins frustrant sur son final qui marquera certainement les mémoires. Nul doute en tout cas, ce second roman est bien tout aussi excellent que le premier. Terriblement accrocheur, captivant, Numérique nous prend rapidement au piège de l'addiction, en parallèle de celle des personnages, accroc de leurs écrans et des vies virtuelles qu'ils peuvent vivre. Nous voilà pris au piège dans la vie d'Arsène, jeune profige, un peu naïf, un peu égoïste mais aussi talentueux, malin et sensible. > Visualuation: Oui < L'immersion est grandiose, nous sommes dans la peau de ce jeune homme au destin un peu dingue. Une intrigue qui fait figure de formidable illustration du titre Brevis est jusqu'à une fin scotchante. Un grand roman!

Le jour viendra où les programmes qui corrigent la conscience feront partie de la vie publique. Alors, seul un être aveugle, sourd, paralysé et entièrement coupé de toutes les sources d'information pourra résister à la publicité et à la propagande.

Manipulation, déshumanisation, virtualité

Quelle richesse! Je ne devrais pas être surprise après Vita Nostra, mais je trouve vraiment les auteurs épatants dans leur capacité à dresser une intrigue aussi captivante tout en versant une large quantité de réflexions qui n'entravent jamais l'histoire mais l'enrichissent constamment. Avec Numérique, c'est la question de la manipulation qui est centrale. Celle individuelle exercée par Maxime, par le Verbe, celle de masse insufflée par des médias, que ce soit l'information en continue, les réseaux sociaux ou la publicité et la suggestion. Le roman nous confronte à nos excès, analyse les dérives d'une addiction aux écrans, opposant la vie réelle à la vie par procuration tout en démontrant aussi les intérêt d'une certaine forme de virtualité. Dans Numérique, rien n'est jamis manichéeen. On questionne constamment la notion de bien et de mal et la frontière entre l'imaginaire et le virtuel devient de plus en plus floue, troublant le lectorat qui se passionne, se perd, s'interroge sans cesse sur ce qui est et ce qui n'est pas. Car ce qui est virtuel n'est pas forcément iréel, et ce qui est réel n'est pas forcément véritable. Marina et Sergueï Diatchenko tisse une formidable métamophore tout au long du roman, interrogeant le monde sous un champ lexical et les codes du numérique, confrontant les possibles, sans jamais devenir indigeste. Proprement grandiose! Mais le roman nous parle aussi et surtout d'humanité, de son besoin d'amour, même virtuel mais aussi de son nihilisme, d'exclusion de l'autre opposé au besoin de reconnaissance et de contact, une humanité en zone de gris qui vire parfois au noir et donnerait l'envie de supprimer quelques fichiers de manière définitive. Sombre dans ses conclusions, c'est encore une fois un roman qui laissera des marques et des pistes de réflexion sur le long-terme. Au coeur de cela, c'est encore une fois un adolescent en pleine transition vers l'âge adulte, en pleine métamorphose, et c'est toujours aussi épatant et vertigineux d'avoir réussi à faire d'un roman intiatique une si grande oeuvre.

Entre la mort de tes proches et la mort d'inconnus, que choisirais-tu?

En bref, Numérique ou Brevis est est à la hauteur des attentes. Grandiose, riche, captivant et vertigineux, le roman nous emmène dans la peau d'Arsène, en pleine transition vers l'âge adulte, dans une intigue épatante qui va bien au-delà de ce qu'elle suggère à l'origine. Là où la réalité se confond avec le virtuel, là où les limites de l'humanité se mêlent au chiffre, Numérique est un roman formidable qui interroge notre rapport aux médias et au virtuel avec intelligence. Une vraie réussie qui nous rend accroc de la première pages jusqu'à sa fin scotchante et inoubliable.

Les critiques de Yuyine

Publié le 23 juin 2021

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