Complément du monumental roman Rêves de Gloire  qui a obtenu une multitude de récompenses, dont tout récemment le grand prix de l’imaginaire 2012,  Le Train de la réalité  est un recueil de nouvelles basées sur le même univers, additionnées d’un texte à part mais partageant avec les autres histoires le fait d’être une uchronie. S’il est préférable d’avoir eu le roman entre les mains pour mieux appréhender et apprécier cet opus, il peut se lire indépendamment, le contexte étant plus ou moins rappelé dès la première nouvelle par un Jean-Paul Sartre aussi allumé qu’imaginaire. Cependant le lecteur non averti rencontrera probablement quelques difficultés à se mettre sur les rails de ce train de la réalité plutôt tortueux. Pour rappel, le point de divergence de l’univers créé par R. C. Wagner avec le notre est l’assassinat du général de Gaulle en 1960. De cet événement découle la partition de l’Algérie, une portion comportant Alger et Oran demeurant française, et non son indépendance telle que le général était l’un des seuls à souhaiter. S’ensuit également l’émancipation précoce de la jeunesse française avec en point d’orgue la fête géante de Biarritz, sorte de Woodstock avant l’heure, ayant amorcé le mouvement crypto-hippie des « vautriens », la mode de la consommation de « Gloire » (le LSD) et le déferlement de la musique dite « psychodélique », l’équivalent du rock psychédélique dont on sait l’auteur friand. Chacune des nouvelles se présente comme la tranche de vie d’un personnage ayant été témoin ou acteur d’événements cruciaux de cette Histoire bis. En guise d’intermèdes entre ces textes, nous avons droit à différentes versions du récit de la mort du général de Gaulle du point de vue des meurtriers présumés. Ces comptes rendus lapidaires et pas vraiment convaincants qui dévoilent autant de motivations qu’ils ont d’auteurs semblent un rappel ironique que l’Histoire retient davantage les conséquences des actes que leurs causes ou leurs participants. Ils sont aussi un pied de nez à tous ceux qui s’interrogeraient sur les véritables raisons de l’assassinat du général. Pour anecdotiques qu’ils soient, ils remplissent bien leur rôle de respirations au sein du recueil. Quant aux textes, ils traitent d’un ou de plusieurs des thèmes qui sont les piliers de l’uchronie : la Gloire, Biarritz et les vautriens, le rock, la vague libertaire, la vie de bohème en Algérois, les gouvernements fascistes qui vont se succéder en France à partir des années Soixante-dix… Ils ont aussi en commun d’être tous racontés à la première personne. Ils ne manquent pas de variété pour autant, l’auteur n’hésitant pas à faire dans l’expérimentation narrative pour coller à la façon de penser et de s’exprimer de ses personnages. Ainsi, nous avons la narration précieuse d’un intellectuel du dimanche, pique-assiette à ses heures, qui sera récompensé d’avoir subi les tirades de Jean-Paul Sartre en faisant l’expérience transcendentale de la Gloire ; le récit d’espionnage d’un agent soviétique en attente d’ordre de mission, libraire pour sa couverture mais aussi par passion ; les carnets un peu austères d’une vautrienne qui bascule peu à peu dans le terrorisme ; les anecdotes avec l’accent pied-noir d’un Algérois fan de rock ; l’exposé schizophrène et déstructuré d’un homme rendu psychotique par l’abus de Gloire ; la chronique en ch’ti d’un musicien ayant participé aux grandes heures du rock dans l’Alger des années Soixante. Enfin, le dernier texte, qu’on peut considérer comme une sorte de bonus, de « ghost track », fait plus office de remplissage que de complément logique au recueil et possède assez peu d’intérêt en soi. Il va même jusqu’à contredire le message porté par les récits des différentes morts du Général en ne s’intéressant qu’à l’évènement qui fait sortir l’histoire de notre Histoire sans développer ses conséquences. Homogénéité contextuelle et hétérogénéité formelle caractérisent donc ce recueil. L’expérience était intéressante à tenter mais au final l’auteur en tire plus de plaisir que le lecteur. Si certains récits sont tout à fait sympathiques (ceux de l’intellectuel et de l’espion-libraire), les plus expérimentaux se révèlent difficiles à déchiffrer et gâchent quelque peu la lecture, l’histoire de l’Algérois étant l’une des plus incompréhensibles avec sa retranscription de l’accent et de l’argot de la casbah. Dans le même ordre d’idées il est dommage que la nouvelle du rockeur soit plombée par son langage parlé et ses expressions idiomatiques un peu forcées, le récit étant fort réjouissant et transpirant la passion et le talent de Wagner pour les histoires sur le rock et ses musiciens. En conclusion, un ouvrage à recommander plutôt aux lecteurs de  Rêves de Gloire  qui désirent replonger dans la richesse de son univers, voire aux inconditionnels de l’auteur qui ont toujours rêvé de le voir se lâcher complètement, au risque de quelques fausses notes. Mais c’est aussi ça le rock’n roll, baby ! Michaël F. Les Vagabonds du Rêve

Wagner - Le train de la réalité - Les Vagabond du Rêve
Complément du monumental roman Rêves de Gloire  qui a obtenu une multitude de récompenses, dont tout récemment le grand prix de l’imaginaire 2012,  Le Train de la réalité  est un recueil de nouvelles basées sur le même univers, additionnées d’un texte à part mais partageant avec les autres histoires le fait d’être une uchronie. S’il est préférable d’avoir eu le roman entre les mains pour mieux appréhender et apprécier cet opus, il peut se lire indépendamment, le contexte étant plus ou moins rappelé dès la première nouvelle par un Jean-Paul Sartre aussi allumé qu’imaginaire. Cependant le lecteur non averti rencontrera probablement quelques difficultés à se mettre sur les rails de ce train de la réalité plutôt tortueux.
Pour rappel, le point de divergence de l’univers créé par R. C. Wagner avec le notre est l’assassinat du général de Gaulle en 1960. De cet événement découle la partition de l’Algérie, une portion comportant Alger et Oran demeurant française, et non son indépendance telle que le général était l’un des seuls à souhaiter. S’ensuit également l’émancipation précoce de la jeunesse française avec en point d’orgue la fête géante de Biarritz, sorte de Woodstock avant l’heure, ayant amorcé le mouvement crypto-hippie des « vautriens », la mode de la consommation de « Gloire » (le LSD) et le déferlement de la musique dite « psychodélique », l’équivalent du rock psychédélique dont on sait l’auteur friand.
Chacune des nouvelles se présente comme la tranche de vie d’un personnage ayant été témoin ou acteur d’événements cruciaux de cette Histoire bis. En guise d’intermèdes entre ces textes, nous avons droit à différentes versions du récit de la mort du général de Gaulle du point de vue des meurtriers présumés. Ces comptes rendus lapidaires et pas vraiment convaincants qui dévoilent autant de motivations qu’ils ont d’auteurs semblent un rappel ironique que l’Histoire retient davantage les conséquences des actes que leurs causes ou leurs participants. Ils sont aussi un pied de nez à tous ceux qui s’interrogeraient sur les véritables raisons de l’assassinat du général. Pour anecdotiques qu’ils soient, ils remplissent bien leur rôle de respirations au sein du recueil.
Quant aux textes, ils traitent d’un ou de plusieurs des thèmes qui sont les piliers de l’uchronie : la Gloire, Biarritz et les vautriens, le rock, la vague libertaire, la vie de bohème en Algérois, les gouvernements fascistes qui vont se succéder en France à partir des années Soixante-dix… Ils ont aussi en commun d’être tous racontés à la première personne. Ils ne manquent pas de variété pour autant, l’auteur n’hésitant pas à faire dans l’expérimentation narrative pour coller à la façon de penser et de s’exprimer de ses personnages. Ainsi, nous avons la narration précieuse d’un intellectuel du dimanche, pique-assiette à ses heures, qui sera récompensé d’avoir subi les tirades de Jean-Paul Sartre en faisant l’expérience transcendentale de la Gloire ; le récit d’espionnage d’un agent soviétique en attente d’ordre de mission, libraire pour sa couverture mais aussi par passion ; les carnets un peu austères d’une vautrienne qui bascule peu à peu dans le terrorisme ; les anecdotes avec l’accent pied-noir d’un Algérois fan de rock ; l’exposé schizophrène et déstructuré d’un homme rendu psychotique par l’abus de Gloire ; la chronique en ch’ti d’un musicien ayant participé aux grandes heures du rock dans l’Alger des années Soixante. Enfin, le dernier texte, qu’on peut considérer comme une sorte de bonus, de « ghost track », fait plus office de remplissage que de complément logique au recueil et possède assez peu d’intérêt en soi. Il va même jusqu’à contredire le message porté par les récits des différentes morts du Général en ne s’intéressant qu’à l’évènement qui fait sortir l’histoire de notre Histoire sans développer ses conséquences.
Homogénéité contextuelle et hétérogénéité formelle caractérisent donc ce recueil. L’expérience était intéressante à tenter mais au final l’auteur en tire plus de plaisir que le lecteur. Si certains récits sont tout à fait sympathiques (ceux de l’intellectuel et de l’espion-libraire), les plus expérimentaux se révèlent difficiles à déchiffrer et gâchent quelque peu la lecture, l’histoire de l’Algérois étant l’une des plus incompréhensibles avec sa retranscription de l’accent et de l’argot de la casbah. Dans le même ordre d’idées il est dommage que la nouvelle du rockeur soit plombée par son langage parlé et ses expressions idiomatiques un peu forcées, le récit étant fort réjouissant et transpirant la passion et le talent de Wagner pour les histoires sur le rock et ses musiciens.
En conclusion, un ouvrage à recommander plutôt aux lecteurs de  Rêves de Gloire  qui désirent replonger dans la richesse de son univers, voire aux inconditionnels de l’auteur qui ont toujours rêvé de le voir se lâcher complètement, au risque de quelques fausses notes.
Mais c’est aussi ça le rock’n roll, baby !

Michaël F.
Publié le 7 juin 2012

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