La Récolte des Enfants est un roman foisonnant, d’une incroyable densité (une marque de fabrique ?), intelligent, questionnant, qui n’oublie pas pour autant les codes du genre : intrigues croisées, rebondissements, suspense, avec aux commandes un narrateur à l’humanisme débordant, non dénué d’humour.

La Récolte des enfants - Pol'Art Noir
Article Original

Avec Nicolas Verdan, on ne sait jamais tout à fait où on va. Les intrigues s’emmêlent, les sujets se croisent, au point qu’on se demande parfois vers quel but il tend. Un enfant livré à son propre sort il y a cinquante ans ; une jeune fille prise au piège des réseaux sociaux ; une femme portant le voile disparaissant avec son fils sur la route du djihad… Et Evangelos qui navigue à vue au milieu de tous ces flots (flow ?) au volant d’une grosse berline. C’est parfois déconcertant, mais il se passe plus de choses en une centaine de pages qu’en quatre cents chez d’autres. La densité est là.
Pour autant, on ne se sent ni perdu ni abandonné, le GPS Verdan veille. Et comme destination, il a choisi le sort réservé aux enfants par notre monde sans boussole.

La « récolte », c’est le tribut payé par les communautés chrétiennes des Balkans à l’Empire ottoman jusqu’au début du XIXe siècle : les fils aînés et les plus belles filles étaient enlevés à leurs familles et envoyés vers Istanbul pour être rééduqués et convertis à l’islam.
Nicolas Verdan va décliner cette vieille tradition sous différentes formes en tirant sur plusieurs fils narratifs et en y mettant toute sa maestria et son intelligence.
Oubliant tout manichéisme, il met dans les mains de son antihéros qui s’est découvert une passion pour la lecture un Coran, qu’il lit et annote avec la plus grande attention durant son périple pendant qu’autour de lui se déchaînent les différentes interprétations du livre sacré.

Pour Evangelos, qui à l’occasion s’est découvert un patronyme (Evangelos Moutzouris), la confrontation sera brutale. La religion musulmane et ses extrémistes sont loin d’être les seuls à s’intéresser au sort des générations futures. S’étale sous nos yeux et sous la plume aiguisée de l’auteur un panoramique des maltraitances réservées aux enfants par ceux qui leur veulent du « bien ». Endoctrinement, rééducation, soumission, conditionnement, la liste est infinie et traverse les époques.

Tous les fils « tendus » font bien évidemment partie de la même pelote. Nicolas Verdan met en scène le contexte historique, la perspective géopolitique, c’est sa « came ». Lorsqu’il se met à raconter la « petite » histoire mêlée à la « grande », il excelle. La Récolte des Enfants est un roman foisonnant, d’une incroyable densité (une marque de fabrique ?), intelligent, questionnant, qui n’oublie pas pour autant les codes du genre : intrigues croisées, rebondissements, suspense, avec aux commandes un narrateur à l’humanisme débordant, non dénué d’humour.

Si aujourd’hui certains enfants sont des « rois », abandonnés à leurs tristes sorts, parfois perdus, les « clowns » qui les surveillent et cherchent à les capter sont, comme hier, non seulement terrifiants, mais dangereux.

Publié le 12 décembre 2023

à propos de la même œuvre