L'agent Evangelos reprend du service dans La Récolte des enfants, où Nicolas Verdan sonde la noire réduction du djihad islamique et des réseaux sociaux.

Après Le mur grec, qui voyait l'agent Evangelos confronté à la politique d'asile délétère de l'Union européenne et à la corruption de son pays, nous retrouvons le policier, à présent à la retraite, dans La Récolte des enfants, où Nicolas Verdan poursuit son exploration de la réalité grecque au fil d'une intrigue policière tout aussi prenante. Le Vaudois plonge ici sa plume noire dans les zones d'ombre historiques et politiques de son deuxième pays au fil d'une intrigue prenante, qui met en regard la séduction qu'opère le djihad islamique sur des adolescent•es en quête de sens et ces autres "récolte d'enfants" qui ont marqué au fer rouge l'histoire du XXe siècle.

Alors qu'il ramène en Grèce la Tesla de sa fille Andromède, qui rentre au pays avec mari et enfant après des années à Zurich, Evangelos apprend que sa petite-fille Zoi, 15 ans, a disparu. À distance, pris dans une tempête de neige sur les routes de Balkans, il commence aussitôt son enquête mais se retrouve freiné par un accident et un autre enlèvement – une jeune femme veut rejoindre le califat avec son enfant – dans lequel il jouera un rôle déterminant. Etonnante diversion à l'intrigue principale ? C'est ce qu'on croit, séduits pourtant par l'atmosphère hallucinante de ces pages tourmentées où Evangelos affronte le froid, la nuit, la violence, l'incertitude. Il s'avèrera pourant que cette piste alimentera sa propre enquête, qui le mène d'Albanie à Zurich en passant par la Grèce, Budapest et les Grisons.

Dans quel piège Zoi est-elle tombée ? Celui tendu par les sirènes du djihad islamique ? Ou celui du monde parfait proposé par les influenceur•es sur les réseaux sociaux ? Elle était en contact avec une certaine ImAva...
On suit dans la quête trépidante le vieux policier lui-même non exempt de contradictions – il a servi à ses débuts sous les colonels et était de service lors de la répression du soulèvement estudiantin du Polytechnique d'Athènes contre la junte...
Nicolas Verdan met ces enjeux ultra-contemporains en regard avec d'autres dynamiques de violence où l'enfance a payé un lourd tribut, reliant de manière très fine différentes "récoltes d'enfants", de la Seconde Guerre mondiale à la résistance communiste lors de la guerre civile grecque – un vieil homme rencontré par hasard remet à Evangelos le récit de son enfance volée – jusqu'au récent scandale des enfants placés en Suisse. Le phénomène se dit pédomanza, en grec : "J'eus soudain la vision du puzzle achevé: une galerie de bienfaiteurs et bienfaitrices serrant très fort la main de petits enfants. Très très fort." La solution à la disparition de Zoi sera à chercher à la croisée de ces différentes tragédies. Un thriller politique et social brillant dans le thème résonne aujourd'hui avec une acuité singulière.

APD