« Pratchett me décevra-t-il un jour ? Ce n’est pas encore pour aujourd’hui, en tout cas ! »

Un rat des villes
Article Original

L’Université de l’Invisible d’Ankh-Morpork, institution réunissant tous les plus grands (ou les plus larges, tout du moins) mages du Disque-Monde, vient de faire une terrible découverte : ils risquent d’être privés de leurs 9 repas quotidiens ! Impossible d’envisager survivre dans de telles conditions ! Pour parer à cette fatalité, une seule option : participer au populaire jeu du fouteballe, bien connu parmi le personnel non-mage de l’université. L’aide de Glenda et Juliette, les cuisinières de nuit, ainsi que de Trev et Daingue, travailleurs des recoins sombres de l’Université, leur sera précieuse. Mais le patricien Vétérini compte bien mettre sa petite touche dans tout ça, ce qui promet un jeu riche en rebondissements… Et en dangers.

Métaphysique du ballon rond & nature (presque) humaine.

     Un tome axé sur la thématique du football, je vais vous l’avouer d’emblée, ça ne m’enjaillait pas de base. Je n’ai aucun atome crochu avec ce sport et n’arrive pas à m’empêcher de regarder avec un peu de condescendance les émulations créées autour de la Coupe du Monde (je sais, c’est mal de juger, c’est bien pour ça que j’essaye quand même de m’en empêcher, même si le résultat est bancal !). Mais c’était du Pratchett, et du Disque-Monde qui plus est, alors je savais qu’il trouverait un moyen de m’accrocher à un sujet qui m’intéressait si peu et j’ai eu bien raison de faire confiance en la sainte parole pratchettienne. Car le bougre a même réussi à me faire éprouver pas mal d’attachement aux joueurs de « fouteballe » et à leurs traditions. Si le sport est bourrin et mal dégrossi dans sa version Disque-Monde, il est aussi fédérateur et populaire. Populaire dans son sens premier : il est l’essence du peuple, lui appartient et lui fait oublier les (trop) longues journées de labeur. Il s’accroche à une nature libre, loin de l’esbroufe des stades qu’on connaît par chez nous et beaucoup plus enclin à la liesse populaire simple et communicative.

     Et à côté de ça, le fouteballe sert de prétexte à décrire une nature humaine (ou autre) assez ambivalente. Tour à tour retorse et belliqueuse ou tolérante et généreuse, elle s’affiche sous tous ses aspects sans fards ni attraits. Comme toujours, Pratchett critique avec cynisme mais efficacité une société loin de la nôtre, mais si ressemblante. Chez lui, le naturel ne revient pas au galop mais au canot, et encore… Le doute persiste : sommes-nous vraiment contraints de ne jamais évoluer ? Pas si sûr. Le naturel, il est ce qu’on en fait ; notre nature ne peut être prédéfinie par des lois universelles et immuables mais est influencée par nos expériences et nos décisions. Une leçon d’humanité dispensée à travers un gobelin pas tout à fait orque, c’est du Pratchett tout craché.

Le mot de la fin

     Pratchett me décevra-t-il un jour ? Ce n’est pas encore pour aujourd’hui, en tout cas ! La réfractaire du football que je suis s’est mise à se prendre de passion, dans ce 33ème opus des Annales du Disque-Monde, pour les péripéties de nos joueurs amateurs. Sur fond d’humour et de détournement, teinté d’un brin de cynisme mais aussi d’un optimisme surprenant que je n’aurais pas pensé trouver là, l’auteur nous parle de nature humaine et de mouvement populaire, d’acceptation et d’amitié, de poursuite de ses rêves et de destinée, de poursuite de la gloire et de destinée toute tracée, d’amour shakespearien et de destin tragique… Une foultitude de thèmes abordés, percés avec une simplicité apparente mais une justesse alarmante et, comme toujours, une bonne couche de rire. Allez les mages ! est encore une vraie réussite, merci Sir.

Publié le 20 février 2020

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