J’avoue avoir pris Haute-École un peu sur un coup de tête, genre « tiens, un truc à lire dans le train ». Chose que je n’ai pas faite, finalement : le roman s’est retrouvé en livre de chevet.

Haute-École - Erdorin
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Vous vous êtes déjà demandé comment, dans un monde de fantasy, une nation gèrerait de manière réaliste l’existence de personnes dotées de pouvoirs magiques ? Eh bien Sylvie Denis répond à cette question dans son roman Haute-École. Spoiler: ce n’est pas joli-joli.

L’univers, donc. Le bouquin, lui, est très sympa.

La Haute-École éponyme, c’est l’institution qui « gère » les magiciens. Elle emploie des Chasseurs, qui ont pour charge de trouver les jeunes gens porteurs de potentiel magique et de les amener à l’école, afin qu’ils soient formés. Dans les faits, ils sont forcés au service de l’État – guère plus que des esclaves, voire des outils.

Mais il existe des magiciens libres, qui ont échappé aux Chasseurs et qui ont développé leurs talents seuls ou en groupe. La propagande du royaume les décrit comme des personnes dangereuses, rendues folles par leurs pouvoirs non maîtrisés, mais il n’en est rien.

Et, par-dessus tout cela, il y a une classe bourgeoise qui en a assez de compter pour du beurre dans la politique du royaume. Et qui espère transformer la monarchie absolue en système parlementaire.

Haute-École est un roman choral, où l’on suit donc plusieurs personnages au moment d’une double succession: l’accession de Hérus Tork, magicien génial, mais sans scrupule, à la tête de la Haute-École, et la mort du roi Urbain et le couronnement de son fils, Orghon.

Il y a là un jeune et brillant dramaturge, dont les pamphlets brocardent l’ordre établi, une jeune fille de bonne famille qui a pu cacher ses pouvoirs magiques au cœur même du château, un jeune magicien qui a pu échapper aux Chasseurs, ainsi que son camarade, qui lui a été pris, et surtout un courtisan, également magicien clandestin et ancien amant du futur roi.

J’avoue avoir pris Haute-École un peu sur un coup de tête, genre « tiens, un truc à lire dans le train ». Chose que je n’ai pas faite, finalement : le roman s’est retrouvé en livre de chevet. Je m’attendais à quelque chose de moins fantasy, mais au final, le contexte est suffisamment bien travaillé pour que ça ne me dérange pas.

Il y a un équilibre remarquable dans le monde que Sylvie Denis décrit : tout ou presque y est crédible. Je dis « ou presque », parce que la dernière partie du roman est nettement plus mystique, mais ça ne vient pas non plus de nulle part. Je n’en dirai pas plus, sinon que je regrette un final qui est très littéralement un deus ex-machina – même si, une fois encore, c’est bien amené.

La force de Haute-École tient dans ce contexte, mais également dans les personnages, qui sont eux aussi très crédibles et dont les péripéties tiennent en haleine tout au long des quelques cinq cents quarante pages (dans la version L’Atalante Poche).

Oui, ce n’est pas un petit gabarit, mais il se lit bien. Le style de Sylvie Denis est fluide et accessible – pas de jargon abscons ni de tournures littéraires tordues. Moi qui ne suis en général pas un gros client de fantasy, je me suis laissé embarquer dans le roman. Haute-École a d’ailleurs reçu le Prix Julia-Verlanger en 2004, ce qui n’est pas très étonnant au vu de la qualité.

Si vous cherchez une histoire prenante dans un contexte de fantasy qui s’intéresse à des questions sociales, je vous recommande Haute-École.

Erdorin

Publié le 20 février 2020

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