Un one-shot fantasy qui gagne à être découvert ! On y trouve un monde cohérent, des intrigues politiques efficaces et un questionnement intéressant sur la magie, ses origines et ses conséquences.

Les mots de Mahault
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Voici un monde où les magiciens sont traqués par certains des leurs – les Chasseurs – dès leur plus jeune âge pour intégrer la Haute-école, qui se trouve dans la capitale du royaume où se déroule une bonne partie de l’action de ce roman. Censément, ils doivent y apprendre à maîtriser leurs pouvoirs sous bonne garde – ces derniers se manifestant souvent par des accidents incontrôlables – mais personne n’ignore qu’entrer à la Haute-école, c’est en sortir différent, hagard, le regard vide, à la merci d’une vie de servitude auprès de grandes familles nobles, de responsables militaires & de familles régnantes. À la tête de l’établissement ? Le terrible Hérus Tork, un petit homme ambitieux et puissant, bien décidé à prendre les rênes du royaume en assurant toujours plus sa position auprès de la famille royale.

Cependant, certains mages parviennent à vivre dans le secret et la plus grande prudence, hors du joug de la Haute-école. Il y a par exemple Madge, une couturière, dont l’échoppe est un refuge pour les membres de cette rébellion, ou encore Arik Renshaw, un courtisan d’apparence frivole, favori de l’héritier du trône – mais aussi un des seuls mages à être en capacité de rivaliser avec Hérus Tork, ou encore le jeune Ian Bren, qui après une descente des Chasseurs dans son village, décide de prendre la fuite pour apprendre à maîtriser enfin son affinité avec le feu auprès de ces légendaires mages clandestins.

Ce sont tous ces personnages – et d’autres – qui, par leurs points de vue successifs, vont construire ce roman qui parvient, en un peu moins de cinq cents pages, à déployer un univers riche et convaincant, ce qui n’est pas toujours évident lorsqu’il s’agit comme ici d’un one-shot.

Chaque protagoniste a une personnalité et une manière de relater son histoire particulières, l’une d’entre eux le fait par exemple sous la forme d’un journal intime – mettant en lumière une existence jusque là isolée et un besoin urgent de vivre quelque chose qui la sorte enfin de son quotidien trop corseté. Et comme chacun se croise à un moment ou l’autre, nous continuons à découvrir nos héros par les yeux des autres, ce qui est d’autant plus enrichissants que certains volte-face sont pour le moins … surprenants.

L’univers est tout aussi complet. Le premier chapitre nous met l’eau à la bouche en nous contant les exactions d’Hérus Tork pour enfin être à la tête de la Haute-École : nous avons à faire à un personnage retors, prêt à tout pour parvenir à ses fins et cela nous introduit efficacement à ce monde plus moderne que médiéval – bien que très européen. En revanche, la référence faite à la Révolution française dans le résumé n’a pas été flagrante lors de ma lecture : Haute-École n’est pas une réécriture.

Si le fondement même du livre est de nous raconter comment les mages veulent reconquérir leur liberté, on découvre aussi assez vite qu’il va être question de l’aptitude à la magie en elle-même. Présumée venir des Dieux, il est dit que ces derniers ont quitté le royaume des Hommes, déçus de voir ce qu’ils faisaient de ces pouvoirs dont Ils leur avaient fait cadeaux. Si certains personnages n’en ont cure, d’autres au contraire s’interrogent : qui sont ces Dieux ? Et quelles différences entre eux et les mages, qui sont déjà de fait, différents des humains par leurs douances ?

Différents d’ailleurs, ou supérieurs ? Voilà une question intéressante et traitée avec finesse et poésie (la fin ♥) par Sylvie Denis, dont il s’agissait alors du premier roman.

En conclusion … Un one-shot fantasy qui gagne à être découvert ! On y trouve un monde cohérent, des intrigues politiques efficaces et un questionnement intéressant sur la magie, ses origines et ses conséquences.

Publié le 4 septembre 2019

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