Nouvelliste, critique, éditrice, traductrice, cela fait un bail que Sylvie DENIS œuvre pour la diffusion d’une Science-Fiction de qualité en France. Il était donc grand temps qu’elle accouche d’un premier roman [si on excepte le court roman "L’invité de verre" paru en 1997 aux éditions DLM, dans la collection "Agence Arkham", qui a vite sombré dans l’oubli]. Et là surprise, son premier grand roman n’est pas un roman de pure Science-Fiction ! "Haute-Ecole" n’est qu’un roman de Fantasy. Mais attention pas n’importe laquelle. Du balai Harry Potter ! "Journal d’Elisabeth de Siff. Soixante-quatrième lever du dixième cent du huit cent quatre-vingtième cycle après la Fondation. J’ai toujours gardé ce journal sur moi en me disant que, si je mourais, il resterait un témoignage, une trace du passage d’Elisabeth de Siff en ce monde. Quelle présomption ! Une trace de quoi ? Qui ma vie pourrait-elle bien intéresser ? À quoi mon expérience pourrait-elle servir ? Avant que je commence à noircir ses pages, il ne restait déjà plus que quelques dizaines de magiciens libres dans le monde. Bientôt, il n’y en aura probablement plus un seul." Dans un royaume médiéval, dit le "Royaume extérieur", les magiciens sont réduits à l’état de machines à but unique [Éclairant à un coin de rue, Ouvreur de porte...]. Pour cela ils sont chopés à la naissance ou dès que possible pour être endoctrinés dans la "Haute-Ecole" et devenir les instruments de pouvoir de celle-ci. Et qu’ils ne viennent pas se plaindre, car au "Royaume intérieur" on tue les magiciens à la naissance ! Quant aux Dieux, qui ont donné la magie aux hommes, eh bien, ayant vu ce que ceux-ci en ont fait, ils ont préféré ramasser leurs gaules et se barrer de l’autre côté des Murailles de Brumes. Raoul des Crapauds est un jeune garçon dont la principale occupation est de parler aux grenouilles, ce qui lui vaut d’être capturé par les Chasseurs de la "Haute-Ecole". Ian Bren, un de ses camarades, est harcelé par une petite écervelée qui est fascinée par ses pouvoirs magiques et qui veut l’inciter à fuir au plus vite. Élisabeth de Siff, une jeune fille de la noblesse, erre comme une âme en peine dans les couloirs d’un château, solitaire et désemparée. Germain Comsic, un auteur de poèmes et de pièces de théâtre tendancieuses, déprime au fond d’une taverne et rêve de complots. Et Arik Renshaw, favori de l’héritier au trône, déchire sa race... En dire plus serait saccager le travail d’orfèvre de Sylvie DENIS qui nous distille toute la vie de ce monde d’une manière discrète et subtile au gré des péripéties et de l’évolution de chacun des personnages. Récit à voix multiples, cette quête désespérée des magiciens libres nous est contée avec une plume d’une simplicité et d’une sensibilité rarement atteintes dans ce genre littéraire. Attachants, les destins des personnages se contemplent avec un œil gros comme les ronds de lunette d’Harry Potter et un émerveillement croissant. Sylvie DENIS se paye en plus le luxe d’insérer une romance hors norme dont les émois risquent de roussir les poils des plus jeunes de nos apprentis sorciers [aka les enfants ne faites pas lire ce livre à vos parents !]. Cette pureté dans le récit, cette beauté fugace qui se matérialise dans de simples papillons en papier qui prennent vie, ne sont pas sans rappeler les œuvres animées d’un certain Hayao MIYAZAKI [La magnifique rencontre forestière d’un des héros avec une divinité égarée, "la Dame des Neiges", semble tout droit sortie de "Princesse Mononoke"] "Haute-École" n’est pas de l’Heroic-Fantasy mastoc à la sauce sang, sexe et rock’n roll, mais bel et bien de la Fantasy au sens le plus noble et le plus magique du terme, sans suite à rallonge, doublée d’un cynisme social réjouissant, et qui dans ses plus profonds développements va jusqu’à évoquer le SILVERBERG de la fin des années 60 [rien que ça]. Ce n’est donc pas peu dire que le premier roman de Sylvie DENIS est une des plus belles surprises de cette année et qu’on attend déjà avec impatience les prochains. Arkady Knight, Le Cafard Cosmique, 02/04/2004

Le Cafard Cosmique
Nouvelliste, critique, éditrice, traductrice, cela fait un bail que Sylvie DENIS œuvre pour la diffusion d’une Science-Fiction de qualité en France. Il était donc grand temps qu’elle accouche d’un premier roman [si on excepte le court roman "L’invité de verre" paru en 1997 aux éditions DLM, dans la collection "Agence Arkham", qui a vite sombré dans l’oubli]. Et là surprise, son premier grand roman n’est pas un roman de pure Science-Fiction ! "Haute-Ecole" n’est qu’un roman de Fantasy. Mais attention pas n’importe laquelle.

Du balai Harry Potter !

"Journal d’Elisabeth de Siff.

Soixante-quatrième lever du dixième cent du huit cent quatre-vingtième cycle après la Fondation. J’ai toujours gardé ce journal sur moi en me disant que, si je mourais, il resterait un témoignage, une trace du passage d’Elisabeth de Siff en ce monde.

Quelle présomption !

Une trace de quoi ? Qui ma vie pourrait-elle bien intéresser ? À quoi mon expérience pourrait-elle servir ? Avant que je commence à noircir ses pages, il ne restait déjà plus que quelques dizaines de magiciens libres dans le monde. Bientôt, il n’y en aura probablement plus un seul."

Dans un royaume médiéval, dit le "Royaume extérieur", les magiciens sont réduits à l’état de machines à but unique [Éclairant à un coin de rue, Ouvreur de porte...]. Pour cela ils sont chopés à la naissance ou dès que possible pour être endoctrinés dans la "Haute-Ecole" et devenir les instruments de pouvoir de celle-ci. Et qu’ils ne viennent pas se plaindre, car au "Royaume intérieur" on tue les magiciens à la naissance ! Quant aux Dieux, qui ont donné la magie aux hommes, eh bien, ayant vu ce que ceux-ci en ont fait, ils ont préféré ramasser leurs gaules et se barrer de l’autre côté des Murailles de Brumes.

Raoul des Crapauds est un jeune garçon dont la principale occupation est de parler aux grenouilles, ce qui lui vaut d’être capturé par les Chasseurs de la "Haute-Ecole". Ian Bren, un de ses camarades, est harcelé par une petite écervelée qui est fascinée par ses pouvoirs magiques et qui veut l’inciter à fuir au plus vite. Élisabeth de Siff, une jeune fille de la noblesse, erre comme une âme en peine dans les couloirs d’un château, solitaire et désemparée. Germain Comsic, un auteur de poèmes et de pièces de théâtre tendancieuses, déprime au fond d’une taverne et rêve de complots. Et Arik Renshaw, favori de l’héritier au trône, déchire sa race...

En dire plus serait saccager le travail d’orfèvre de Sylvie DENIS qui nous distille toute la vie de ce monde d’une manière discrète et subtile au gré des péripéties et de l’évolution de chacun des personnages. Récit à voix multiples, cette quête désespérée des magiciens libres nous est contée avec une plume d’une simplicité et d’une sensibilité rarement atteintes dans ce genre littéraire.

Attachants, les destins des personnages se contemplent avec un œil gros comme les ronds de lunette d’Harry Potter et un émerveillement croissant. Sylvie DENIS se paye en plus le luxe d’insérer une romance hors norme dont les émois risquent de roussir les poils des plus jeunes de nos apprentis sorciers [aka les enfants ne faites pas lire ce livre à vos parents !].

Cette pureté dans le récit, cette beauté fugace qui se matérialise dans de simples papillons en papier qui prennent vie, ne sont pas sans rappeler les œuvres animées d’un certain Hayao MIYAZAKI [La magnifique rencontre forestière d’un des héros avec une divinité égarée, "la Dame des Neiges", semble tout droit sortie de "Princesse Mononoke"]

"Haute-École" n’est pas de l’Heroic-Fantasy mastoc à la sauce sang, sexe et rock’n roll, mais bel et bien de la Fantasy au sens le plus noble et le plus magique du terme, sans suite à rallonge, doublée d’un cynisme social réjouissant, et qui dans ses plus profonds développements va jusqu’à évoquer le SILVERBERG de la fin des années 60 [rien que ça].

Ce n’est donc pas peu dire que le premier roman de Sylvie DENIS est une des plus belles surprises de cette année et qu’on attend déjà avec impatience les prochains.

 

Arkady Knight, Le Cafard Cosmique, 02/04/2004

 

Publié le 31 décembre 2008

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