Dans le tome précédent, on avait quitté un nouveau pion de Havelock Veterini à la tête du service postal d'Ankh-Morpork, soit Moite Von Lipwick, l'ensorceleur filou au charme irrésistible qui fait rire tous et toutes dès qu'il ouvre la bouche, surtout quand c'est pour raconter des salades. Et bien maintenant que la poste centrale marche quasiment comme sur des roulettes, Moite commence à s'ennuyer, surtout quand Adora Belle Chercoeur la passionaria des golems part au loin faire des fouilles dans la plus grande discrétion. Et rien n'est plus dangereux qu'un Moite qui s'ennuie. Veterini est un tyran serviable, et qui a un certain nombre de plans pour sa ville, et ces plans comprennent des sous-chapitres dans lesquels figure en bonne place le rôle d'un homme habile, sans scrupule et doué d'empathie surtout quand il s'agit d'extraire des porte-monnaies les sous qui y dorment dans la quiétude. Tiens ! Mais est-ce que par hasard à ses heures perdues Moite ne se prendrait pas au jeu de redresser la barre de la banque centrale ? Parce qu'il faut bien le dire, depuis qu'elle est aux mains de la famille Prodigue, elle n'est pas dans sa période la plus prospère. De quoi déchaîner quelques passions, dedans, dehors et aux alentours. Il semble qu'une fois de plus Moite Von Lipwick va danser sur un fil tendu, très tendu...
Le roi des nains et son observance scrupuleuse de la législation, les golems humiens, les lectures pour jeunes filles de bonne famille, un navet schizophrène, un vibromasseur reconverti en jouet pour chien, un sous-directeur banquaire qui cache un secret dans une armoire dans sa chambre chez madame Cake l'hôtesse des morts-vivants de la ville, une bague en stygium la matière la plus dangeureuse qui existe, la tête de veau, etc. On pourrait continuer longtemps cet inventaire pas vraiment à la Prévert mais plutôt carrément à la Pratchett et on n'approcherait encore pas vraiment ce festival détonnant que le maître nous a encore réservé pour expliquer à sa manière comment s'édifie un système monétaire qui ne devrait jamais perdre de vue ce sur quoi il est fondé : l'argent n'est que le symbole du geste humain productif, rien de plus. Pas besoin d'or quand on a le travailleur. Après, il est savoureux de regarder les protagonistes de l'histoire inventer le billet de banque, et de constater qu'il existe un hôpital psychiatrique avec une aile réservée uniquement à tous ceux qui se prennent pour Havelock Veterini. Quel talent d'avoir réussi à inventer un autocrate admirable. On serait presque tenté d'y voir une personnalisation de l'écrivain démiurge qui déconstruit et reconstruit au fur et à mesure la cité la plus foutraque de la fantasy moderne. Encore du régal que ce trente-deuxième tome des annales du disque-monde.