Et voici le trente-deuxième roman des Annales du Disque-Monde. Rappelons, pour ceux qui sortiraient juste d’une longue hibernation, que cette oeuvre, entamée au début des années 80, emprunte à la fois à la poésie épique du cycle de Lankhmar de Fritz Leiber, à la richesse mythologique des œuvres de Tolkien, à l’esprit des Monthy Python et au style pince-sans-rire de Jerome K. Jerome. Elle a, de plus, connu presque autant de personnages principaux que de produits dérivés et adaptations (encyclopédies, films, jeux vidéo). En dehors des deux premiers opus, chaque ouvrage peut se lire indépendamment et celui-ci, même s’il est la suite directe de « Timbré » où l’on découvrait l’escroc reconverti Moite von Lipwig, ne déroge pas à la lettre. Il peut donc être une introduction aux Annales aussi valable qu’un autre volume pour le non connaisseur. Moite reprend donc du service et après avoir brillamment redressé la situation de la Poste d’Ankh-Morpok, est subtilement incité par le Patricien Vétérini à remédier aux défaillances d’une autre institution de la ville : l’hôtel de la Monnaie. Bien que plus accoutumé à vider ce genre d’établissement qu’à le remplir et peu enthousiaste vis à vis de ses nouvelles responsabilités et de leur risque inhérent, il va tenter de seconder au mieux le président de la banque, en l’occurrence un facétieux roquet nommé Pinaille catapulté actionnaire majoritaire après le décès de sa maîtresse. Von Lipwig en sera quitte pour bouleverser quelques traditions en s’opposant à la gestion des héritiers de l’établissement et en déniant à l’or sa valeur d’échange intrinsèque. Comme d’habitude chez Pratchett, ça va partir dans tous les sens : à l’ex-voleur chargé de refaire une santé à la banque s’ajoutent pêle-mêle un golem qui se prend pour une jeune fille en fleur, un caissier principal maniaque des chiffres et dissimulant un terrible secret, un Igor plein de ressources qui oublie parfois de zozoter, un triste sire qui n’aspire qu’à être Vétérini à la place de Vétérini, un fantôme de nécromant lubrique, un dentier à ressort récalcitrant et un calmar géant. Sachant qu’aux péripéties de von Lipwig se greffe la quête obsessionnelle de sa fiancée Adora Belle Chercoeur pour des proto golems de l’Antiquité, on peut se demander comment le roman conserve une quelconque unité. C’est non seulement le cas mais l’auteur se permet en plus de nous donner une version abrégée et désinvolte des prémices du capitalisme financier via l’évocation de la création du papier monnaie et de l’émergence des activités bancaires initiées par son héros : un petit plus non négligeable en ces temps de remise en question de notre système économique. Encore une fois le talent et l’expérience de Pratchett font mouche et forcent le respect. (...) comment ne pas être admiratif devant son art de marier les contraires, sa pertinence jamais ostentatoire et sa manière de surprendre sans cesse le lecteur au détour d’une saillie désopilante ou d’un retournement de situation particulièrement improbable. Une preuve supplémentaire que Pratchett demeure le roi incontesté de cette light fantasy qu’il a largement contribué à faire émerger. Qui plus est, et contrairement à certains de ses confrères, surtout ceux spécialisés dans la parodie, il parvient encore et toujours à esquiver les écueils du comique troupier et de l’anachronisme potache ainsi qu’à conserver un cachet lyrique qui font du Disque-monde cet univers où l’on prend plaisir à retourner. En résumé, il ne s’agit pas forcément là du plus incontournable des romans composant les Annales du Disque-monde mais pas davantage les néophytes que les inconditionnels savent qu’ils ne prennent de risque en l’achetant les yeux fermés.   Michaël F., décembre 2009, parcheverses.blogspot.com.

Pratchett - Monnayé - CitronMeringue
Et voici le trente-deuxième roman des Annales du Disque-Monde. Rappelons, pour ceux qui sortiraient juste d’une longue hibernation, que cette oeuvre, entamée au début des années 80, emprunte à la fois à la poésie épique du cycle de Lankhmar de Fritz Leiber, à la richesse mythologique des œuvres de Tolkien, à l’esprit des Monthy Python et au style pince-sans-rire de Jerome K. Jerome. Elle a, de plus, connu presque autant de personnages principaux que de produits dérivés et adaptations (encyclopédies, films, jeux vidéo). En dehors des deux premiers opus, chaque ouvrage peut se lire indépendamment et celui-ci, même s’il est la suite directe de « Timbré » où l’on découvrait l’escroc reconverti Moite von Lipwig, ne déroge pas à la lettre. Il peut donc être une introduction aux Annales aussi valable qu’un autre volume pour le non connaisseur. Moite reprend donc du service et après avoir brillamment redressé la situation de la Poste d’Ankh-Morpok, est subtilement incité par le Patricien Vétérini à remédier aux défaillances d’une autre institution de la ville : l’hôtel de la Monnaie. Bien que plus accoutumé à vider ce genre d’établissement qu’à le remplir et peu enthousiaste vis à vis de ses nouvelles responsabilités et de leur risque inhérent, il va tenter de seconder au mieux le président de la banque, en l’occurrence un facétieux roquet nommé Pinaille catapulté actionnaire majoritaire après le décès de sa maîtresse. Von Lipwig en sera quitte pour bouleverser quelques traditions en s’opposant à la gestion des héritiers de l’établissement et en déniant à l’or sa valeur d’échange intrinsèque. Comme d’habitude chez Pratchett, ça va partir dans tous les sens : à l’ex-voleur chargé de refaire une santé à la banque s’ajoutent pêle-mêle un golem qui se prend pour une jeune fille en fleur, un caissier principal maniaque des chiffres et dissimulant un terrible secret, un Igor plein de ressources qui oublie parfois de zozoter, un triste sire qui n’aspire qu’à être Vétérini à la place de Vétérini, un fantôme de nécromant lubrique, un dentier à ressort récalcitrant et un calmar géant. Sachant qu’aux péripéties de von Lipwig se greffe la quête obsessionnelle de sa fiancée Adora Belle Chercoeur pour des proto golems de l’Antiquité, on peut se demander comment le roman conserve une quelconque unité. C’est non seulement le cas mais l’auteur se permet en plus de nous donner une version abrégée et désinvolte des prémices du capitalisme financier via l’évocation de la création du papier monnaie et de l’émergence des activités bancaires initiées par son héros : un petit plus non négligeable en ces temps de remise en question de notre système économique. Encore une fois le talent et l’expérience de Pratchett font mouche et forcent le respect. (...) comment ne pas être admiratif devant son art de marier les contraires, sa pertinence jamais ostentatoire et sa manière de surprendre sans cesse le lecteur au détour d’une saillie désopilante ou d’un retournement de situation particulièrement improbable. Une preuve supplémentaire que Pratchett demeure le roi incontesté de cette light fantasy qu’il a largement contribué à faire émerger. Qui plus est, et contrairement à certains de ses confrères, surtout ceux spécialisés dans la parodie, il parvient encore et toujours à esquiver les écueils du comique troupier et de l’anachronisme potache ainsi qu’à conserver un cachet lyrique qui font du Disque-monde cet univers où l’on prend plaisir à retourner. En résumé, il ne s’agit pas forcément là du plus incontournable des romans composant les Annales du Disque-monde mais pas davantage les néophytes que les inconditionnels savent qu’ils ne prennent de risque en l’achetant les yeux fermés.
 
Michaël F., décembre 2009, parcheverses.blogspot.com.
Publié le 5 février 2010

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