C’est la force de Pratchett : il arrive à glisser de vraies questions de société à travers un univers de fantasy qui reprend et appuie les stéréotypes du genre. Toujours avec humour et légèreté, mais cela apporte une certaine profondeur au texte.

Pratchett - Monnayé - Actusf
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Monnayé est le trente-sixième volume des Annales du Disque-Monde (trente-deuxième dans cette collection Pocket en français) et le deuxième volume mettant en scène le personnage de Moite von Lipwig, que l’on retrouve d’abord dans Timbré, puis après celui-ci dans Déraillé. Monnayé a obtenu le prix Locus du meilleur roman de fantasy en 2008.

Lorsque le seigneur Vétérini vous propose une mission, cela ne se refuse pas. Encore moins lorsque vous êtes un escroc notoire sauvé in extremis de la pendaison et affublé d’une nouvelle identité. C’est ainsi que Moite von Lipwig va se retrouver avec l’épineux problème de gérer la banque d’Ankh-Morpork, entre un président canidé et une famille d’héritiers prêts à le faire disparaître de l’équation…

Moite von Lipwig, l’anti-héros attachant

Si les Annales du Disque-Monde sont des histoires indépendantes, il arrive de retrouver le même personnage à travers plusieurs histoires. Ainsi, Monnayé est la deuxième aventure de cet anti-héros attachant, Moite von Lipwig. Ancien escroc notoire sauvé in extremis de la pendaison par le seigneur Vétérini, patricien de la ville d’Ankh-Morpork, Moite doit de nouveau lui venir en aide. Tiraillé entre l’envie de mener une vie sans embûches et le goût de l’aventure, ce ministre des Postes atypique est un plaisir à suivre au fil de ce tome.

Costume doré, chapeau haut de forme, langue bien pendue et dépendant d’un président canidé, Moite von Lipwig offre là toute l’essence des personnages loufoques et attachants de Terry Pratchett. C’est avec légèreté que l’on suit ses péripéties entre un Seigneur à qui on ne refuse rien, une famille héritière qui ne veut pas lâcher sa banque et toute une ribambelle de personnages que l’on se plaît à découvrir au fil du récit.

Le système bancaire et autre satire

Terry Pratchett prend l’habitude de se moquer de certains aspects de la société dans son œuvre. Ici, c’est le milieu bancaire. Quel est l’intérêt de l’étalon-or, vraiment ? Une promesse d’échanger la moindre piastre contre son équivalent en or, explique monsieur Fripon, employé modèle de la banque d’Ankh-Morpork. Tant que personne ne vient réellement demander cet échange.

Dans sa tâche d’assainir les comptes de la banque, Moite von Lipwig va faire preuve d’ingéniosité pour tenter de mettre un coup de pied dans la fourmilière. Mais sous cette couche loufoque se dessinent des questionnements et autres contradictions qui nous semblent bien familiers…

C’est la force de Pratchett : il arrive à glisser de vraies questions de société à travers un univers de fantasy qui reprend et appuie les stéréotypes du genre. Toujours avec humour et légèreté, mais cela apporte une certaine profondeur au texte.

En plus de la banque, Pratchett aborde ainsi la question de l’identité sociale des hommes et des femmes par exemple, à travers Gladys, le golem de mille ans qui s’est vu affublé d’une jupe car il serait inconvenant qu’un golem homme nettoie les toilettes des femmes. Mais pourquoi les golems seraient-ils hommes par défaut ? De nombreux anecdotes et personnages émaillent le récit de la sorte, chacun atypique à souhait mais soulevant des questions bien pertinentes en deuxième lecture.


Monnayé s’inscrit dans la tradition humoristique et satirique de Terry Pratchett. Habilement traduit, on y retrouve jeux de mots truculents et personnages hauts en couleur dans l’univers du Disque-Monde. Que vous preniez le temps de noter les moqueries de notre société contemporaine qui se dessinent en filigrane ou non, vous passerez un bon moment, à condition d’adhérer à la plume loufoque de l’auteur. Tome indépendant comme le reste de la série, il n’est pas nécessaire d’avoir lu le précédent pour comprendre et apprécier cette nouvelle aventure de Moite von Liwpig.

Publié le 27 avril 2016

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