J’avais aimé la nouvelle que j’avais lue de Djéli Clark; ça m’avait suffisamment plu pour que je me jette sur le roman à peine paru. J’avais aimé le décor coloré, sensoriel de cette Egypte steampunk, les personnages évidemment, et puis l’uchronie qui donne à voir une Egypte différente – et magnifique.
C’est tout ceci que l’on retrouve dans Le maître des Djinns. La traduction est toujours aussi parfaite, la relecture quasi nickel, rendant la lecture très agréable. J’ai pu passer une petite semaine immergée dans ce beau roman.
Le roman se situe dans la continuité temporelle de la nouvelle. Je conseille de lire la nouvelle avant le roman, car celui-ci se déroule après les événements de la nouvelle, et y fait souvent référence. On retrouve également des personnages qu’on avait déjà croisés, et les liens entre eux reprennent dans le roman là où ils se sont arrêtés à la fin de L’étrange affaire du Djinn du Caire.
Egypte steampunk reliée à une culture littéraire, mythologique et folklorique (des anges, des djinns, des contes et récits provenant des Mille et une nuits…) : j’ai adoré le mélange. Le texte permet par ailleurs une immersion totale dans cette Egypte, par le biais d’une minutie incroyable dans le détail et de la langue arabe qui parsème le récit. C’est coloré, chatoyant, oral, parfumé.
Ajoutons à cela la réinterprétation du mythe du sceau de Salomon, qui replace le roman dans une tradition littéraire et lui donne une coloration magique; on pense d’ailleurs au Seigneur des anneaux, et les clins d’œil sont nombreux.
Et steampunk car uchronie, qui donne à voir une Egypte intéressante, d’autant qu’elle est à la fois un décor et un enjeu pour le récit. En effet, en même temps que le soi-disant retour d’Al-Jahiz fout un gros bordel dans les rues du Caire, doit se tenir dans la ville un sommet international pour la paix. A travers Le Caire où l’on déambule principalement, c’est donc une Egypte forte, cosmopolite, avant-gardiste, mixte, féministe… et mécanique qui se donne à voir. Et une Egypte bordélique, il faut bien le dire. Entre les Anges, les Djinns (et il y en a une sacrée panoplie), les Efrits, les humains… et tout ce qu’il se passe, on ne sait plus où donner de la tête. C’est jouissif et on ne s’ennuie pas.
L’intrigue est bien huilée. Sur le plan de l’histoire, pas vraiment de surprise ni de choses nouvelles. Efficace, mais classique.
Oui, les personnages sont intéressants. Fatma el-Sha’arawi, agente du Ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles (rien que cet intitulé me donne envie d’y signer de suite) est un personnage que j’apprécie beaucoup, libre, caractérielle, douée, têtue. C’est elle qui porte le roman et lui donne son entrain.