Voici une uchronie steampunk très dépaysante, à la construction solide et particulièrement originale.
Dans cet univers à la veille de la Première Guerre Mondiale, l’Égypte est devenue une puissante nation grâce à la réapparition de la magie et à l’intégration des djinns dans la société civile. Le colonialisme européen a été battu en brèche, et l’Amérique s’est repliée sur elle-même, intolérante vis-à-vis de toute forme de magie. Les femmes égyptiennes se battent pour leurs droits civiques, ont gagné celui de voter et se voient peu à peu intégrées dans des métiers jusque-là réservés aux hommes. Le Caire est une cité cosmopolite, moderne, où l’ingénierie et l’architecture des djinns mêlent savoirs aussi bien humains que surnaturels.
Dans cette Égypte, de multiples cultes se côtoient, dont des résurgences concernant les anciennes divinités du panthéon polythéiste, et leurs prêtres et prêtresses ne sont pas sans pouvoir. Pour réglementer les pratiques magiques qui pourraient être à risque, et juguler les élans de certains djinns, le ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles a été créé. Ainsi, l’héroïne que nous suivons est une pionnière, seule femme intégrée à ce ministère, et agente de terrain, au palmarès plus qu’honorable.
Bien vite, autour d’elle gravitent des personnages récurrents, dont Hadia et Siti, qui jouent un rôle non négligeable. Dans ce roman, ce sont les femmes qui sont au premier plan, tout comme la volonté de montrer une nation éclairée, en plein essor, grâce à la tolérance et l’intégration. Pour autant, ce monde n’a rien d’utopique, car la pauvreté et les laissés-pour-compte existent toujours, le « progrès » laissant toujours une frange de la population sur le bord du chemin. Il n’y a aucune illusion sur les méandres de la politique internationale, et le racisme est toujours présent, même si les cibles ne sont plus les mêmes.
Dans cet univers riche et original, l’intrigue se déroule petit à petit, avec de nombreux rebondissements et péripéties, ce qui n’empêche pas de deviner assez rapidement l’identité du véritable « méchant », même si ses motivations nous demeurent cachées. Il y a un petit côté Seigneur des anneaux vers la fin, mais je vous laisse découvrir comment. Les personnages sont fouillés, bien différenciés, et la seule chose que je reprocherais à ce livre, serait l’absence d’un glossaire pour tous les termes égyptiens qui ne sont pas traduits. Malgré tout, le dépaysement agit, et on se trouve transporté dans un ailleurs exotique et enchanteur sous bien des aspects.
Bref, j’ai apprécié ce roman, il est solidement écrit, et son univers comme ses personnages sortent des sentiers battus avec bonheur.