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Maître des djinns - SyFantasy
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P. Djèlí Clark évoque l’imaginaire oriental dans cette histoire qu’il mêle au steampunk. Si vous avez lu les 1001 et une nuits, vous rencontrerez du vocabulaire connu. En revanche, ne vous attendez pas à retrouver l’univers dans son intégralité. Résolument moderne dans l’écriture des personnages, l’auteur rend compte efficacement des enjeux de notre époque. Cette fiction fait partie de la série sur le ministère égyptien de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles. Le Maître des Djinns a reçu entre autres le prix Nebula du meilleur ouvrage, et le prix Locus du meilleur premier roman 2022.

Le maître des djinns se lit sans arrêt, l’écriture de P. Djèlí Clark reste fluide même dans ses phrases les plus complexes. La prose de l’auteur ressemble à une partition de musique. La ponctuation impose une respiration, ou accélère l’action quand il le faut. Sans charger le texte, chaque détail mis en avant détient son importance pour mieux cerner une relation entre deux personnages, des enjeux de société, etc.

Il décrit par exemple les costumes de Fatma ou les voiles de Hadia sans jamais alourdir le tempo. Pour un lectorat contemporain habitué à l’immédiateté ambiante, cette qualité est un atout. L’intention dans ces passages révèle une réflexion à plusieurs niveaux : au lecteur de s’en saisir à sa guise !

Moins dense que la trilogie de S.A. Chakraborty, ce livre de Fantasy n’exige pas le même effort. Le système de magie est plutôt simple. On peut aussi le lire seul sans les précédents. Il reste en revanche une bonne introduction pour la saga consacrée à la cité de Daevabad.

Le maître des Djinns : des récits d’indépendance

La magie des djinns, miracle pour nous, fait partie du quotidien des deux agentes. Toutes deux doivent élucider les crimes commis grâce à elle, des enquêtrices déterminées à l’image d’Olivia Dunham dans la série Fringe.

Fatma, figure principale de l’intrigue, sait ce qu’elle veut, vit comme elle l’entend, même si son métier reste en marge des professions habituellement pratiquées par les femmes. Hadia respecte les traditions sans jamais oublier ses propres aspirations. En effet, si ce livre traite de djinns ou de magie, il esquisse les contours du quotidien de deux personnes bien différentes, mais résolues à tracer leur chemin.

Mais, ce n’est pas tout. Elles ne sont pas les seules à être indépendantes. L’auteur nous raconte également un monde où les colonies n’existent pas ou plus, où l’Égypte est une aussi grande puissance que la Grande-Bretagne. On pourrait presque classer la saga dans les uchronies quand l’Histoire est bouleversée. Le récit s’appuie sur la Fantasy pour recréer le passé. Comme dans les romans du bâtard de Kosigan, celui-ci se revisite à l’aune de la magie et de ses personnages fantastiques.

Un vent de légèreté souffle ainsi sur une Histoire lourde à porter. Cela remet les choses en place avec grâce. On nous amène à réfléchir sans états d’âme sur les intrications complexes dues à la colonisation. L’auteur réussit tout cela sans jamais écrire : « et si… ». Non, il le tisse à travers le corps du texte, et c’est plus efficace que n’importe quel cours.

Si vous aimez lire des récits de Fantasy, vous savez qu’il s’y mêle joyeusement réalité sous couvert de merveilleux. L’univers de celui-là apporte de la fraîcheur par rapport aux romans qui relèvent encore souvent de l’imaginaire médiéval occidental. C’est une belle évasion du quotidien. Mais, prêtez aussi attention à cette voix qui chuchote à votre oreille. Vous serez peut-être surpris de trouver plus qu’une histoire.

Choisissez votre djinn préféré et explorez les 1001 façons de détruire le monde.

Publié le 9 octobre 2023

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