Maître des Djinns est un roman éminemment plaisant à lire, et cette version du Caire une ville de fiction qu’on est à chaque fois heureux de retrouver.

Maître des djinns - Bifrost

Visiblement, L’Atalante croit fort en P. Djèli Clark. Maître des Djinns est déjà le quatrième titre de l’auteur publié en moins d’un an, et pour fêter la sortie de ce premier véritable roman, le lecteur pourra en outre choisir entre l’édition classique et, pour deux euros de plus, une version collector joliment cartonnée.

Ce nouveau texte se situe dans le même univers de fantasy uchronique que la nouvelle L’Étrange Affaire du djinn du Caire et la novella Le Mystère du tramway hanté, cette Égypte du début du XXe siècle que l’irruption de la magie et de ses créatures mythiques a propulsé sur la voie de l’industrialisation pour faire d’elle l’une des puissances majeures du globe. Il n’est peut-être pas nécessaire de les avoir lus avant d’entamer Maître des Djinns, mais il s’agit tout de même d’un plus, certains éléments de ces investigations étant évoqués au cours du récit. On retrouve donc l’héroïne fétiche de l’auteur, Fatma el Sha’arawi, agente du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles, chargée cette fois d’enquêter sur le meurtre aux forts relents de magie d’un lord anglais haut placé et de tous les membres de la Fraternité qu’il présidait. Un crime qui l’amène à s’intéresser à la figure historique d’alJahiz, l’homme qui trente ans plus tôt fut à l’origine du bouleversement qu’a connu le pays, et qui semble aujourd’hui revenu d’entre les morts.

On retrouve dans Maître des Djinns les mêmes qualités et — dans une moindre mesure — les mêmes défauts que dans le reste de l’œuvre de P. Djèli Clark. Le romancier s’appuie sur un casting principalement féminin formidablement campé, qui évolue dans une ville du Caire imaginaire rendue à la perfection, riche de saveurs, de senteurs, de couleurs, et nourrie d’une mythologie et d’une culture forcément exotiques et originales pour un lecteur occidental. Si l’action est omniprésente — et souvent spectaculaire —, cela n’empêche pas l’auteur d’aborder différents thèmes récurrents dans son œuvre : racisme, sexisme, inégalités sociales, etc. Autant de sujets qu’on retrouve en filigrane tout au long du récit, même s’ils n’en constituent jamais le cœur, ce qu’il est permis de regretter. Surtout, reste la faiblesse majeure du romancier : l’intrigue qu’il construit, linéaire au possible, et dont le dynamisme repose sur des rebondissements et des retournements de situation qu’on voit trop souvent venir de très, très loin. Reste qu’en l’état, Maître des Djinns est un roman éminemment plaisant à lire, et cette version du Caire une ville de fiction qu’on est à chaque fois heureux de retrouver.

Philippe Boulier

Publié le 4 mai 2022

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