Dans le premier tome, nous avons fait la connaissance de Koli, chassé de son village, Mythen-Croyd, pour s’être approprié un tech, apanage exclusif des Remparts, tous issus de la même famille. Il doit faire face à une végétation hostile, une faune redoutable et des ennemis humains tout aussi dangereux – le gourou d’une obscure secte qui pratique le cannibalisme, entre autres. Il survit, grâce à l’aide de ses compagnes de voyage : Ursala, la guérisseuse itinérante et son larbin (un tech diagnostic, mais également une arme puissante) et Tasse, l’ancienne adepte du gourou ; sans compter Monomo, la fille du boîtier tech.
Ils sont en route pour Londres, d’où semble provenir un signal qui pourrait dater d’avant la Guerre Inachevée. Des survivants vivent-ils là-bas ? L’humanité peut-elle se regrouper pour survivre, en retrouvant les connaissances technologiques disparues ? Les rapports entre les protagonistes, humains et techs, se resserrent jusqu’à ce que le groupe disparate finisse par nouer des liens familiaux, empreints de confiance. M. R. Carey présente ces modifications avec intelligence et finesse. Chaque personnage est très soigné, évolue subtilement tant sur un plan personnel que dans ses relations avec les autres.
Comme dans le premier tome, la narration est assurée par Koli. Toutefois, une nouveauté est introduite, puisque l’auteur convoque également Toupie, une amie de Koli, restée dans le village de Mythen-Croyd, où une épidémie sévit. La jeune fille va briser tous les tabous et trouver le remède grâce au tech base-donnée, qu’elle ne peut théoriquement pas utiliser. Les chapitres alternent, qui donnent un rythme soutenu au roman, tout en s’accordant des détours qui approfondissent les enjeux. Les passages racontés par Toupie permettent de prendre conscience des changements profonds que Koli a introduits dans le village, en révélant certains secrets.
L’écriture est particulièrement visuelle et plonge le lecteur au cœur de cet univers très riche, et très dur. L’auteur excelle à distiller petit à petit les éléments qui donnent à comprendre ce qui s’est passé après la guerre : une nature profondément affectée qui est devenue l’ennemie des humains, la disparition des connaissances liées à la technologie et le quasi-culte rendu aux rares techs qui ont traversé les années.
Les thèmes abordés/approfondis sont particulièrement forts et résonnent très fort aujourd’hui : le réchauffement climatique, les manipulations génétiques, la transidentité. Ce dernier point est amené avec beaucoup d’intelligence, en cohérence avec le récit et de manière très naturelle.
On retrouve dans ce deuxième tome les qualités du premier : une narration fluide, un univers très original, des personnages profonds auxquels le l’auteur s’attache, sans oublier pour autant de soigner le background de son monde.
Le récit se termine sur un redoutable cliffhanger, qui donne une terrible envie de connaître la suite !
Sylvie Gagnère