Soit vous avez lu QuanTika de la même autrice, soit vous ne l'avez pas lu et, disons-le tout de suite, vous aurez plus de mal à suivre et vous profiterez moins bien de Celle qui sait. D'autant que cela risque de vous donner un peu trop d'aperçus sur la trilogie initiale, de quoi en ternir la lecture... Un peu comme la suite de cette chronique, alors à vous de voir...
On redécouvre en effet dans le premier volet de ce diptyque les protagonistes de QuanTika : Ambre Pasquier, sous son nom indien, qui cherche à tout prix à s'intégrer et à intégrer sa fille Jade ; Stanislas Arkadi Faradyne, qui tient un hôtel avec l'aide de Haziel Delaurier ; la fille de Stanislas, Kya, pilote de navette spatiale, etc.
Presque tous ont réintégré la réalité une dizaine d'années auparavant, après avoir été transportés sur la planète Timhka par l'Ouvreur des chemins, le vaisseau spatial de soixante kilomètres de long qui orbitait autour de Gemma; la première colonie humaine hors Système solaire. Mais à leur retour, Gemma n'est plus. AltaMira l'a remplacé. La glace est devenue océan. Malgré les tensions croissantes, les humains cohabitent avec les Timhkans qui volent sur les mers à bord de catamarans sophistiqués, tandis que leur étrange vaisseau spatial en orbite se transforme et change de trajectoire. Aucune communication n'a pu s'établir encore entre les deux espèces.
L'Ouvreur des chemins a redistribué les cartes quantiques de la réalité pour en éliminer le Dévoreur qu'Ambre et Tokalinan ont vaincu après son réveil sur Gemma où il était emprisonné depuis des millénaires. Et seuls nos protagonistes se souviennent de cette réalité qui, pour tous les autres, n'a jamais existé !
Or Jane ne parvient pas à s'intégrer, Haziel n'a pas réussi à retrouver Ambre, qui doit trimer à l'usine pour s'en sortir, Seth Tranktat fait les mêmes cauchemars récurrents depuis dix ans sans comprendre pourquoi.
Un jour, des sbires de Boubakine, le magnat qui a financé en partie la colonisation d'AltaMira, escortent Stanislas jusqu'à leur patron, qui voudrait qu'il lui livre l'intégralité de ses recherches sur la propulsion qu'il a inventée plus de dix ans auparavant, avant qu'il ne rompe les ponts avec son labo et vienne se terrer. Or Stanislas n'est pas celui qu'il est censé être, ce que Boubakine ignore, naturellement. Dans la réalité nouvelle qui a "écrasé" celle d'où il vient, Stanislas est un physicien et un ingénieur de génie qui a permis à l'humanité de sortir du Système solaire plus rapidement que dans la réalité disparue. Mais Stanislas n'est pas lui, il n'a aucune idée de ce qui l'a conduit à révolutionner la physique. Comme se sortir de ce piège ? Comment reprendre sa place et devenir celui qu'était son alter ego ?
On retrouve avec plaisir tous les ingrédients qui ont fait le succès de la première trilogie, dans une nouvelle variante de ce même mélange de space opera et de planet opera, qui rebat les cartes sur fond de physique quantique et de tensions inter-espèces croissantes. L'autrice explore les effets que peut produire sur l'individu le fait d'appartenir à deux réalités, d'avoir des souvenirs divergents, de ne pas être totalement celui ou celle que les autres croient que l'on est et de se sentir déraciné, inadapté, obligé de se refaire une existence dans la clandestinité et de se couler dans celle qu'avait son autre soi-même.
Identité, communication, environnement, premier contact, altérité, culture, science : autant de thèmes forts qui nourrissent le roman. Dans une première partie, le récit alterne les points de vue, avant de se focaliser sur Ambre durant son séjour sur Timhka, avant son retour parmi les humains. Le roman se lit avec plaisir, les personnages sont humains et crédibles, et la réflexion sur l'altérité et le choc des cultures tout à fait prenante, la complexité de l'univers timhkan nous étant dévoilée progressivement. Un second volume doit venir clore cette nouvelle histoire, qui est loin d'avoir livré tous ses secrets : tant mieux !
